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Formation supérieure
Auteurs : Pascal Buléon, Louis Shurmer-Smith

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La galerie vitrée - Campus J - Université de Caen (Calvados)
© Université de Caen Normandie

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Bibliothèque de l'Université de Portsmouth (Hampshire)
© Peter Facey, 2007 - Sous licence CC BY-SA 2.0 via Commons

 

La formation supérieure, et au cœur de celle-ci les universités, tiennent une place importante dans l'activité, le paysage social et les représentations que se font d'elles-mêmes les régions de l'espace Manche. L'université, c'est tout à la fois des formations dispensées pour ceux qui vont ensuite entrer dans la vie active, de la recherche dont on attend qu'elle attire, en particulier des entreprises, et des milliers de jeunes qui animent la vie de la cité.

Paris et Londres, comme en beaucoup d'autres matières, sont d'un autre registre que toutes les régions bordant la Manche. Villes capitales, villes internationales, elles sont aussi pôles universitaires de rang international. Elles concentrent dans plusieurs universités beaucoup d'étudiants, non seulement de leur région propre, mais de tout le pays et de nombreux pays du monde.

Les régions de l'espace Manche disposent aujourd'hui d'un maillage universitaire très substantiel : 22 universités côté français, 56 côté anglais (jusqu'à 71 selon les définitions), des dizaines de milliers de jeunes en études. Avec une offre de filières très proches, la répartition des effectifs n'est pas tout à fait la même : en Angleterre, les filières commerciales et administratives rassemblent les effectifs les plus importants devant l'informatique et les sciences de l'ingénieur ; en France, les sciences « dures », tous domaines confondus, devancent les sciences humaines et sociales et le droit.

Plusieurs universités ont des racines pluriséculaires. Oxford, fondée entre 1167 et 1180, suivie de Cambridge et Paris quelques décennies après. Très révélatrice de l'histoire croisée de l'espace Manche, l'université de Caen a été fondée en 1432 par le jeune roi d'Angleterre Henri VI sur le conseil de son régent le Duc de Bedford.

Des deux côtés du Channel, il faudra attendre la seconde partie du XXe siècle pour connaître un réel saut de la croissance de la formation universitaire. En France, les changements induits par la reconstruction et la croissance d'après-guerre ainsi que par le baby-boom amenèrent une demande sociale dont la crise de mai 1968 marqua une forme aiguë. Il s'ensuivit une refonte du système universitaire. Le nombre d'universités fit plus que tripler dans les années 1970, les plus grandes et plus vieilles essaimant en deux ou trois nouvelles. En Angleterre, des changements radicaux étaient déjà survenus un siècle plus tôt. S'opposant aux fondations cléricales d'Oxford et Cambridge et dans une volonté d'ouverture sociale de l'enseignement supérieur, les fondations non conformistes apparurent à Londres en 1826, puis suivirent les universités laïques ou redbricks (Manchester, Birmingham, Sheffield...). Le développement le plus important fut néanmoins lui aussi dans les années 1960 avec un petit nombre de nouveaux campus (Sussex, Norwich, Guildford...) et la transformation d'un nombre significatif de Collèges de Technologie en Polytechnics pouvant délivrer des diplômes universitaires. L'égalité de statut et de titre a été obtenue en 1992 avec la création de près de 40 nouvelles universités (Portsmouth, Brighton, Middlesex, Kingston...) dont beaucoup dans les comtés de l'espace Manche.

En France, la fin du XXe siècle connaît une accentuation de la diffusion des sites universitaires. Convergeaient alors une demande de niveau de qualification supérieure au baccalauréat, une volonté politique nationale de développer l'appareil universitaire et des volontés politiques locales d'ancrer dans leurs territoires des formations universitaires, susceptibles de garder des jeunes qualifiés et de susciter du développement. C'est ainsi que sont nés les nouveaux sites, ceux du Havre, de l'université du Littoral, d'Amiens et de Lorient, les antennes de Cherbourg, Alençon, Évreux, Beauvais, Cambrai, Béthune, etc.

On se plaît à rappeler l'ancienneté des quelques grandes vieilles universités, il est vrai que le fil ne s'est jamais rompu, mais les universités ont tellement changé. Dans les universités du XVe siècle, on enseigne à un tout petit nombre la théologie, le droit et parfois la médecine et les arts, dont la mathématique. Dans celles du XXIe, des centaines de milliers d'étudiants apprennent de nombreuses spécialités, de la recherche y est produite, elles couvrent le territoire par un maillage assez dense. Une part de l'activité des universités est tournée vers l'espace national et international, c'est l'aire d'activité des recherches, des publications, des recrutements d'enseignants, chercheurs et étudiants. Une autre part est tournée vers le tissu économique et social local. Cette part s'est accrue au fil de la multiplication des formations supérieures appliquées, des besoins multipliés d'innovations du tissu économique, de l'attention portée au transfert industriel et économique par les organismes de recherche et d'enseignement supérieur. Cela conduit dans toute la zone espace Manche à une pénétration de l'activité universitaire dans l'économie.

Les universités ont des traditions de relations internationales. Elles les ont développées dans un schéma classique qui ne privilégie qu'assez peu la dimension de l'espace Manche. Chacune d'entre elles, de Brest à Canterbury, a noué des accords d'échanges, d'enseignements. Les accords de qualification binationale, les échanges Erasmus, Socrates et post-docs ont régulièrement augmenté, mais on peut les considérer à un niveau tout à fait standard. Seules deux initiatives se démarquent, l'une dans les années 1980 des universités de Southampton, Portsmouth et Caen qui créèrent un Groupement d'intérêt économique européen, l'autre dans les années 2000 des universités du Kent et du Nord-Pas-de-Calais qui créent le réseau universitaire Transmanche. Le premier s'est éteint, le second vit toujours.

Le mouvement qui a poussé, des deux côtés de la Manche, à multiplier les formations supérieures et à s'efforcer de les ancrer dans des territoires, comme autant d'aimants pour du développement, n'est pas destiné à faiblir. Il a produit des résultats sous des formes très diverses. Ce degré de fertilisation pourrait gagner en intensité et en masse, à s'effectuer entre les universités de l'espace Manche avec plus de force. Comme en d'autres domaines, la visibilité internationale et l'affirmation de cet espace, aux côtés des deux villes mondiales Londres et Paris, pourraient y gagner. L'économie de la connaissance dans laquelle ces régions sont déjà engagées, est aussi une économie de l'échange accru.


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