19901990
 
Les mesures de protection des grands ensembles naturels
(1996)
Auteurs : Jean-François Beaudrier, Samuel Lefevre

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La mise en place des systèmes législatifs français et britanniques en faveur de la nature s'est faite progressivement. La nécessité de préserver les grands ensembles naturels et paysagers de qualité est à l'origine de l'instauration de différents statuts de protection adaptés au contexte des secteurs à conserver.

Les organismes impliqués dans la poursuite de cet objectif disposent d'outils spécifiques adaptés à la sauvegarde de milieux sur lesquels la pression humaine ne s'exerce pas de la même manière. Connus du grand public, la plupart doivent concilier préservation du patrimoine et tourisme. S'ils n'impliquent pas toujours la création de véritables sanctuaires pour la faune et la flore, ces statuts ont néanmoins tous en commun l'objectif de la conservation en l'état de ces vastes ensembles encore relativement peu soumis à l'emprise humaine.

Les parcs nationaux britanniques

Les parcs nationaux britanniques ont été institués en 1949. Ce label de protection, directement inspiré du concept américain, a également pour objectif de favoriser leur utilisation à des fins récréatives. L'Angleterre et le Pays-de-Galles dénombrent, en 1996, 11 parcs, moins grands que dans les autres pays européens, mais couvrant 9 % du territoire britannique.

Les objectifs, en partie contradictoires : protéger les plus belles zones rurales contre les transformations néfastes et permettre aux citoyens d'avoir accès aux collines, aux montagnes et au littoral, ont mis toutefois du temps à s'imposer dans les faits, la volonté politique et les moyens donnés aux responsables des parcs restant limités.

Les parcs nationaux britanniques ne fonctionnent pas selon les mêmes modalités que leurs homologues français, dont la zone centrale n'est pas ouverte au public. Depuis leur création, de nombreux débats ont eu lieu quant à la cohabitation de leurs objectifs de conservation et de récréation. Cette double mission est d'autant plus délicate à gérer que les terrains à l'intérieur des parcs sont en majorité privés. Depuis 1968, les autorités des parcs doivent tenir compte des besoins de l'agriculture, de la sylviculture et des intérêts économiques et sociaux des zones rurales.

Les parcs étant localisés sur le territoire des comtés et districts, leurs autorités sont principalement issues de l'administration de ces collectivités territoriales, avec lesquelles elles collaborent. Leurs actions sont donc basées sur la concertation et la collaboration avec les propriétaires fonciers, souvent par le biais de subventions incitatives. Cette stratégie de conservation s'appuie sur une gestion à long terme des parcs, qui est facilitée par la mise en place des plans de parcs nationaux.

Les parcs nationaux doivent conserver leurs beautés naturelles en favorisant leur accès au public. Ce sont là leurs missions premières, mais elles ne peuvent se concevoir que dans une approche globale de gestion de ces territoires également soumis à d'autres utilisations. Cependant lorsque les intérêts de la conservation et de la récréation ne sont pas conciliables, c'est la conservation de la beauté naturelle qui reste prioritaire dans l'enceinte des parcs.

L'espace transmanche comporte deux parcs nationaux britanniques, tous les deux situés dans les massifs anciens occidentaux : le Park National de Dartmoor (créé le 30 octobre 1951, 945 km²) et le Park National d'Exmoor (19 octobre 1954, 686 km²).

La protection de grands ensembles paysagers

La loi de 1949 a institué les Areas of Outstanding Natural Beauty (AONB zones de beauté naturelle exceptionnelle). Elles ont comme fonction essentielle la préservation du patrimoine paysager. Elles s'apparentent toutefois dans les faits aux National Parks, le tourisme y étant également toléré. Les parcs naturels régionaux français constituent la mesure de préservation française se rapprochant le plus des dispositions britanniques, la protection du patrimoine naturel allant de pair avec le maintien des activités humaines.

Les AONB

Les AONB sont des secteurs de la campagne anglaise et galloise qui, bien que dépourvus de vastes espaces de territoire adaptés à la récréation et à un statut de parc national, sont néanmoins d'une telle qualité paysagère qu'il y a un intérêt aussi bien national que local à les conserver en l'état.

Près de 10 % du territoire des AONB sont inclus dans les parcs nationaux, mais l'essentiel se situe dans les « Lowlands » (basses terres) de l'Angleterre agricole. Leur présence à proximité de grands centres urbains fut rendue possible par leur moindre taille et leurs statuts moins contraignants que les parcs nationaux. Les AONB de la région Southwest sont principalement situées le long du littoral, les paysages côtiers étant les plus pittoresques et caractéristiques de cette région. Dans la région du Southeast, où les rivages sont moins accidentés et donc moins pittoresques, elles se situent en majorité à l'intérieur des terres et protègent les campagnes au sud de Londres d'un éventuel développement urbain.

 

Nom de l'AONB Année de craation Superficie en km²
Quantock Hills 1957 99
Surrey Hills 1957 414
Dorset 1959 1 036
Malvern Hills 1959 104
Cornwall (+ Camel Estuary) 1959 (1983) 957
North Devon 1960 171
South Devon 1960 332
East Hampshire 1962 391
East Devon 1963 267
Isle of Wight 1963 189
Chichester Harbour 1964 75
Chilterns 1965 800
Sussex Downs 1966 981
Cotswolds 1966 1 507
South Hampshire Coast 1967 78
Kent Downs 1968 845
Dedham Vale 1970 (1978) 72
Wie Valley 1971 325
North Wessex Downs 1972 1 738
Mendip Hills 1972 202
Isle of Scilly 1976 16
High Weald 1983 1 450
Cranborne Chase and West Wiltshire Downs 1983 960
Source : Countrysside Commission, septembre 1990

Les parcs régionaux

Les parcs naturels régionaux (PNR) français constituent un intermédiaire entre les parcs nationaux et les AONB britanniques. La spécificité des PNR dans l'appareil français réside dans le fait qu'ils constituent les seuls espaces d'envergure protégés à vocation touristique, hormis les zones périphériques des parcs nationaux. Ils correspondent à un réel besoin de préservation s'inscrivant dans un cadre de développement durable.

Les PNR ont été créés en 1967 à l'initiative de la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale. L'initiative de création des parcs a ensuite été transférée aux régions en 1975. Cette législation fut modifiée le 7 janvier 1983 par la loi relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État. Leur classement se fait à l'initiative de la région, avec l'accord des communes concernées. Les PNR sont créés pour promouvoir les qualités patrimoniales, par là même touristiques, d'un espace régional. Le champ d'application de cette procédure concerne tout territoire à l'équilibre fragile et au patrimoine naturel et culturel riche.

Les parcs concourent à la politique de protection de l'environnement, d'aménagement du territoire, de développement économique et social et d'éducation et de formation du public. Ils constituent un cadre privilégié des actions menées par les collectivités publiques en faveur de la préservation des paysages et du patrimoine naturel et culturel.

Ils sont régis par une charte, mise en œuvre sur le territoire du parc par un organisme de gestion. Cette charte correspond au National Parks Plan britannique, document de planification du développement dans l'enceinte du parc déterminant la vocation des terrains.

La zone transmanche compte 8 PNR, cinq d'entre eux sont situés à proximité du littoral, espace particulièrement riche en milieux naturels spécifiques et fragiles.

 

Nom du parc Année de création Superficie en km²
Armorique 1969 1 720
Brière 1970 400
Brotonne 1974 560
Normandie-Maine 1975 2 340
Nord-Pas-de-Calais 1988 2 809
Marais du Cotentin et du Bessin 1991 1 200
Vexin Français 1995 656
Haute Vallée de la Chevreuse 1995 180
Source : Fédération des parcs naturels régionaux, 1995.

Conclusion

L'Angleterre et la France ont, depuis la deuxième moitié du vingtième siècle, développé des mesures de protection de vastes sites encore peu soumis à l'influence de l'homme. Cette préoccupation de conservation a deux objectifs : préserver du développement de grands ensembles paysagers typiques et assurer à ces zones dépeuplées un développement basé sur le tourisme de nature.

Face à la standardisation des paysages tant agricoles qu'urbains, la préservation de « parcs de nature » s'est avérée nécessaire. Les paysages caractéristiques ainsi que l'identité culturelle de ces régions sont recherchés, ce qui représente un gage de la pérennité de la conservation de ces espaces. Le tourisme, pratiqué par une population très largement urbaine, joue un rôle déterminant pour les populations locales, leur permettant de trouver sur place un emploi.

Cette nouvelle fonction des espaces faiblement occupés par l'homme permet de sauvegarder leur spécificité tout en contribuant au maintien de la biodiversité, mais tous ces espaces restent sous une certaine influence de l'homme. Les conventions qui les régissent sont basées sur des accords passés entre les différents acteurs du site et n'ont pas de valeur législative. Les écosystèmes sont donc susceptibles d'être modifiés, ce qui peut poser problème pour le devenir de certains habitats et espèces.

Le gel pur et simple de vastes ensembles naturels n'étant pas réalisable, la France comme l'Angleterre ont développé des mesures réglementaires de forte protection de sites de moindre taille. Ces sites sont donc des représentants d'habitats remarquables, et de véritables sanctuaires pour les espèces menacées.


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