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Des secteurs industriels aux dominantes différentes (2006)
Auteurs : Pascal Buléon, Louis Shurmer-Smith

Le tissu productif est en constant réagencement. Seuls les craquements les plus forts et les développements les plus rapides attirent l'attention et font oublier les permanentes disparitions et créations dans les mêmes secteurs d'activités.

L'industrie a laissé depuis plusieurs décennies la place de leader de l'emploi au tertiaire, beaucoup plus tôt en Angleterre qu'en France ; en même temps elle s'est profondément transformée avec des secteurs qui ont régressé et des changements internes dans chaque secteur. Le mouvement de fond permanent concerne l'élévation de la complexité et de la valeur des processus de fabrication ainsi que des qualifications.

Dans la partie française de l'espace Manche, une différence à gros traits existe entre les régions de vieille industrie, le Nord-Pas-de-Calais, la Picardie, la Seine-Maritime et celles d'industrie plus récente, Bretagne et Basse-Normandie. Les premières ont eu à faire face à de graves difficultés de restructuration et de changement économique et social, les secondes les ont connues plus ponctuellement.

De ce côté de la Manche, l'emploi industriel représente aujourd'hui 18 % de l'emploi salarié. L'Île-de-France est de loin, comme pour le tertiaire, la première région (14 % de l'emploi industriel national). Dans le Nord-Pas-de-Calais, quatrième région industrielle française, les trois branches les plus importantes sont l'automobile, la sidérurgie et le verre. La Picardie, dont un quart de l'emploi se situe dans l'industrie, est plus tournée vers les secteurs de l'agro-alimentaire, la plasturgie et la métallurgie. La Haute-Normandie est également forte dans l'automobile et le matériel électrique mais spécialisée dans la chimie et la parachimie. À l'ouest, l'industrie plus récente a connu de forts taux de croissance depuis quarante ans, les industries agro-alimentaires sont particulièrement présentes : dans ce secteur, la Bretagne occupe la première place des régions françaises avec 15 % des effectifs nationaux ; en Basse-Normandie, comme en Bretagne, aux côtés des industries agro-alimentaires, le secteur automobile surtout équipementier et l'électronique sont particulièrement développés.

Les anciennes branches habillement, textile, travail des métaux continuent de perdre des effectifs, les industries agro-alimentaires, automobile, électronique, plasturgie se restructurent très profondément. En leur sein, de nouvelles spécialités apparaissent, à côté d'elles des branches gagnent en importance, pharmacie, édition...

 

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De l'autre côté de la Manche, le premier pays à s'industrialiser a aussi été le premier à se désindustrialiser. Le déclin a été inégal sur le plan géographique, une partition nord/sud s'est affirmée en même temps que des différences à l'intérieur de chaque région.

Dans le Sud, lui-même, une autre partition est apparue, quoique les limites aient bougé, entre, d'une part l'Est métropolitain centré sur Londres, la capitale, et d'autre part, l'Ouest plus périphérique. Pour le sud-est, la récession du début des années 1990 constitua un choc après une décennie de forte croissance. Néanmoins, le fait de compter une faible proportion d'actifs dans l'industrie permit à cette région de ressentir à peine les retournements de conjoncture qui faisaient si mal ailleurs. Les industries situées autour de Londres bénéficiaient d'une bonne accessibilité de transports ainsi que de la proximité des établissements de recherche et des administrations centrales. Il en est résulté une forte concentration d'activités high-tech civile et militaire. Ainsi, le Bedfordshire, dans l'arc Oxford-Cambridge est rapidement devenu l'un des centres mondiaux de l'économie de la connaissance, les plus grandes firmes d'électronique, d'industrie de précision, de biotechnologie ou de pharmacie s'y sont implantées. Pourtant la localisation de l'industrie des courses automobiles, dont les Anglais occupent le premier rang, frappe encore plus le regard : dans un rayon de 80 km autour de l'Oxfordshire, 50 000 personnes travaillent dans des centaines de petites et moyennes entreprises de ce secteur, un véritable district d'industrie de pointe avec tous les leaders mondiaux.

Plus loin, le long des côtes nord du Kent ou du Sud Hampshire, la situation est très différente. Les villes, fortes de leur arsenal implanté depuis longtemps et de l'industrie qui y est associée ont connu la crise. L'arsenal de Chatham a fermé en 1984, avec de fortes répercussions sur les villes du Medway. Portsmouth a subi d'importantes restructurations résultant à la fois de la très forte réduction d'activités de l'arsenal et des mutations de l'industrie militaire privée qui a évolué vers plus de haute technologie et déplacé ses sites de production. Ce n'est qu'après trente ans de difficultés que le savoir-faire dans la construction navale a permis à Portsmouth d'emporter une part des programmes de construction des navires militaires de nouvelle génération.

Le sud-ouest anglais n'a pas la cohérence du sud-est, il s'organise en une série de sous-régions centrées sur une grande ville. Bien que le statut de « zone de développement » soit toujours accordé à des parties de l'ouest de la Cornouailles et du nord du Devon et atteste d'un écart de développement économique, le sud-ouest est l'une des régions les plus prospères du Royaume-Uni, justement parce qu'il lui reste peu d'industrie lourde traditionnelle.

Les vieilles images de l'industrie traditionnelle du sud-ouest ont largement été supplantées par plusieurs clusters d'industries, qui bien qu'innovantes avaient des racines dans cette région. British Aerospace est là depuis la décentralisation de l'aéronautique, avant la Seconde Guerre mondiale, et est maintenant la troisième entreprise de défense du pays. L'aéronautique emploie plus de 40 000 personnes autour de Bristol (Airbus, Rolls Royce et la sous-traitance). Westland Helicopters à Yeovil implantée depuis 1915 appartient à l'italien Finmeccanica. Les secteurs high-tech de l'informatique, de l'électronique et nombre de laboratoires de recherche en télécommunications (Toshiba, Orange, Hewlett Packard) sont localisés le long du « corridor M4 ». De nombreux sites, particulièrement dans le sud-est, ont attiré des investissements internationaux. Dans des secteurs comme la filière nautique, ancrée de longue date sur la côte Sud autour du Solent et de Poole, le Royaume-Uni est un leader européen et plus de 40 % des actifs du secteur sont dans le sud-est. Le secteur est considéré comme un « champion » régional mais cette position demande à être toujours confortée en un temps où la concurrence est vive.

Maintenir et accroître la compétitivité globale est le slogan des stratégies de développement des deux grandes régions anglaises ; il l'est aussi avec les mêmes mots ou des mots très proches dans les régions françaises. Tous ces changements dans le tissu industriel ont pour point commun une intégration de plus en plus forte de recherche-développement, une intégration des technologies de l'information et de la communication et une interpénétration avec les services de toutes natures. L'industrie et le tertiaire sont aujourd'hui étroitement associés.


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