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L'espace Manche, un "couloir de vieillissement" ? (2011)
Auteur : Frédérique Turbout

 

S'attacher à analyser le vieillissement d'un territoire passe par une étape incontournable consistant à comparer les classes d'âges à chaque extrémité de la pyramide, les plus jeunes et les plus âgés. Sur les bases de cette première analyse mettant en lumière comportements et évolutions dans le temps et l'espace, il est alors possible de déterminer des niveaux de vieillissement selon les territoires observés, voire d'en dresser une typologie. Les lignes qui suivent exposent les résultats obtenus au fil de ces étapes de l'analyse démographique de l'espace Manche.

1. Des jeunes à l'équilibre

12 383 419 jeunes de moins de 20 ans ont été recensés en 2011 dans l'espace Manche. Ils se répartissent presque équitablement entre les deux côtés de la Manche, avec respectivement 6,1 millions côté anglais et 6,2 millions côté français, sans oublier les 33 865 jeunes des îles Anglo-Normandes.

Représentant plus de 20 % de la population des comtés et des départements de la zone (exception faite de Paris), ils sont proportionnellement plus nombreux à l'est de la zone qu'à l'ouest. Comment expliquer cette géographie particulière ? Trois raisons peuvent être avancées. Côté français, les départements comptant plus de 24 % de jeunes correspondent souvent à l'ancien croissant fertile : Nord-Pas-de-Calais, Picardie Normandie..., d'autres possèdent un pôle urbain attractif qui permet la convergence de flux de jeunes couples avec enfants en bas âge et d'étudiants : les deux métropoles régionales bas-normande et bretonne, Caen et Rennes, en sont deux exemples. Troisième raison pouvant expliquer une telle répartition de la population, raison qui n'est qu'une variante de la précédente, il s'agit de départements et comtés proches de la métropole nationale, directement dans son aire d'influence et bénéficiant à plein de son attractivité. À l'inverse, les territoires plus à l'ouest, tant en France qu'en Angleterre ont des proportions de jeunes plus faibles, comprises entre 20 et 24 %. C'est le cas du Devon, du Dorset, de la Cornouaille anglaise, de trois départements bretons et de deux normands.

 
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L'évolution démographique de cette classe d'âge révèle des zones de croissance et de décroissance. Dans ce dernier cas, 17 entités sur les 68 territoires que compte la zone ont enregistré une baisse de la part des plus jeunes dans la population totale. Trois cas de figure sont identifiables :

  • de « petits » territoires correspondant aux îles (Guernesey, Wight, Scilly) ou aux zones urbaines (Torbay, Plymouth, Wockingham, Medway) ;
  • des territoires de l'ex-croissant fertile français qui ont connu une augmentation des personnes de plus de 60 ans, augmentation due à l'arrivée à la retraite des enfants du baby-boom : Nord, Seine-Maritime et Aisne sont dans ce cas de figure ;
  • des espaces vieillis qui l'étaient déjà au précédent recensement : Devon, Dorset, Orne.

Dans une grande majorité des territoires (36 au total), la croissance de cette classe d'âge a été inférieure à 10 % entre 2001 et 2011. Enfin, les évolutions supérieures à 10 % correspondent aux aires urbaines et à leurs aires d'influence telles Paris, Londres, Portsmouth, les départements de la Grande couronne parisienne et l'Ille-et-Vilaine.

 

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2. Les plus âgés, vers un vieillissement accentué

L'espace Manche compte un peu plus de 10 millions de personnes de plus de 60 ans. L'écart entre les deux côtés de la Manche est de l'ordre de 500 000 individus avec 5 440 588 personnes âgées de plus de 60 ans côté anglais et 4 910 816 côté français, soit 10 386 916 individus au total. À l'inverse de la géographie des plus jeunes, c'est dans l'ouest de la zone que les personnes âgées sont proportionnellement les plus nombreuses. Trois des quatre départements bretons et près des deux tiers des comtés du South West, Cornwall, Devon, Dorset et Somerset enregistrent des proportions de plus de 60 ans dépassant les 28 % de la population totale. Ajoutons à ces derniers les comtés de l'East et West Sussex et l'île de Wight. Côté français, les départements qui dès 2001 affichaient déjà des signes marqués de vieillissement confortent leur position : Morbihan, Côtes-d'Armor, Manche et Orne. À l'inverse, les deux grandes métropoles et leurs régions respectives affichent des pourcentages parmi les plus faibles, inférieurs à 24 %, voir proches de 20 %. Enfin, les départements français du nord-ouest détiennent les proportions de personnes âgées de plus de 60 ans les plus faibles de la zone.

2.1. Croissances et effet de saturation

Tous les territoires ont connu une hausse de la part des personnes âgées dans leur population totale. En moyenne pour l'espace Manche, la croissance est de 15,17 % entre 2001 et 2011. Côté anglais et français, la croissance a été presque identique avec respectivement 15,72 % et 14,54 % de hausse. Les îles Anglo-Normandes ont, quant à elles, connu une très forte augmentation de la part des plus âgés avec une hausse de plus de 20 % sur la période intercensitaire.

 

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Les plus fortes croissances ont été enregistrées dans l'ouest de l'Angleterre, à l'inverse du précédent recensement, où le Dorset et le Sussex étaient les comtés les plus vieillis. Ce ne sont pas dans ces derniers que l'on observe les plus fortes progressions aujourd'hui. Le phénomène est identique de l'autre côté de la Manche. Dans les départements français, la part des plus âgés lorsqu'elle est élevée, n'est pas nécessairement synonyme d'une forte croissance de cette classe d'âge. Les départements et comtés qui présentent ce cas de figure sont le Finistère, les Côtes-d'Armor, le Sussex (West et East), l'île de Wight et le Dorset, tous en 2001 faisaient partis du groupe des territoires les plus âgés de l'espace Manche. On observe même une évolution qui peut surprendre à Slough et Brighton and Hove ; ces deux Unitary Authorities ont enregistré une décroissance de la part des plus âgés au sein de leur population. En 2001, la population totale de Brighton s'élevait à 247 817 habitants. En 2011, cette même population a augmenté de quelques 25 552 individus, soit un total de 273 369 habitants ; dans le même temps, le nombre de jeunes de moins de 20 ans est passé de 52 835 à 59 757, soit 6 922 jeunes de plus qui représentent en 2011, 21,86 % de la population totale de Brighton, contre 21,32 % en 2001. Cette très faible croissance (+ 0,54 %) n'a rien d'exceptionnelle à première vue, si ce n'est le fait que Brighton est l'un des rares territoires anglais de l'espace Manche à avoir enregistré une croissance positive des classes d'âges les plus jeunes.

 

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Source : RGP 2011, Census 2011. F. Turbout, 2014

 

Côté personnes âgées, la décroissance est pour le coup la plus forte enregistrée dans la zone, avec -2,90 % de baisse ; alors qu'ils étaient 51 058 individus de plus de 60 ans en 2001, ils ne sont plus que 48 406 en 2011, soit 17,71 % de la population totale contre 20,6 % en 2001. Pour expliquer cette évolution à la baisse, on peut avancer quatre hypothèses : la première relance l'hypothèse émise quelques années plus tôt1 d'une « saturation » du territoire concerné par cette baisse, comme si au-delà d'un certain seuil, le vieillissement avait un effet répulsif à l'installation de nouveaux venus, et plus particulièrement des plus âgés. La deuxième hypothèse est liée à l'effet mécanique de l'évolution d'une classe d'âge. Les personnes âgées, même en nombre, présentent une propension au décès plus importante que les autres classes d'âges. Étant plus nombreux, ils sont aussi plus nombreux à décéder, leur nombre baisse mécaniquement et leur part dans la population totale suit une évolution similaire. La troisième hypothèse se base au contraire sur une certaine attractivité économique de ces espaces vieillissants. Cela peut paraître de prime abord difficilement envisageable et pourtant, ces espaces vieillissants sont susceptibles de générer un potentiel d'emplois à destination des plus jeunes en liaison plus ou moins directe avec le vieillissement des territoires (services à la personne, loisirs, santé, commerce...). Cet espace attractif économiquement retrouve un certain dynamisme, le rendant alors plus attrayant aux yeux des plus jeunes. Les rapports de classes d'âges s'inversent peu à peu, et le vieillissement ralenti progressivement. Enfin, dernière hypothèse qu'il ne faut pas négliger, la baisse de la classes des plus âgés ne correspond pas à une évolution structurelle de la population, il s'agit d'un changement de comportements migratoires jusque là bien ancrés dans le territoire, qui fait s'inverser les flux de population ; d'un espace récepteur de retraités migrants, Brighton peut être devenu un espace émetteur de retraités, particulièrement à destination des comtés plus à l'ouest, où l'image de l'espace à vivre n'est pas trop connotée comme vieillie et où les prix du foncier et des services à la personne restent encore abordables. Ces quatre hypothèses illustrent un possible devenir des territoires dont le vieillissement est en cours.

 

Scénarii à l'horizon 2009 – 2019 (extrait de travaux de thèse)
Trois hypothèses retenues : haute / moyenne / basse
Données mobilisées :
- Taux de mortalité par âge et par sexe (1997),
- Nombre d'individus âgés de plus de 40 ans en 1999 par sexe,
- Nnombre d'individus de plus de 60 ans depuis 1982 et
- Taux de croissance moyen de cette classe d'âge observée durant les périodes intercensitaires précédentes
Résultats : horizons 2009-2019
Régions Date Prévisions Population de plus de 60 ans
Bretagne 2009 Basse 770 800
  Moyenne 782 600
  Haute 784 200
2019 Basse 843 500
  Moyenne 858 800
  Haute 876 300
2011 Recensement 802 555
Basse-Normandie 2009 Basse 357 500
  Moyenne 361 600
  Haute 362 000
2019 Basse 402 000
  Moyenne 406 000
  Haute 411 000
2011 Recensement 375 823

 

Plus généralement, sur l'ensemble de la zone transmanche la croissance des plus âgés dépasse 10 % voire 20 à 30 %. C'est particulièrement le cas des îles Anglo-Normandes, des Côtes-d'Armor, du Dorset ou du Sussex. Le vieillissement démographique est une réalité observable dans de nombreux territoires de la zone transmanche. Les différents scénarii envisagés lors du précédent recensement se confirment ou sont d'ores et déjà dépassés. C'est le cas des prévisions avancées dès 2001 dans des travaux de recherche mettant en lumière trois évolutions possibles dans deux régions tests, Bretagne et Basse-Normandie2. L'analyse de ces prévisions révèlent que les estimations réalisées en 2001 pour l'année 2009 sont dépassées, bien au-delà de la plus élevée des hypothèses formulées. Une autre mesure du vieillissement se lit à travers les croissances observées de la population totale comparée à la classe d'âge des plus de 60 ans. Le Calvados dont la population a augmenté de près de 34 806 habitants entre 1999 et 2010 a connu dans le même temps une hausse du nombre de personnes âgées de 27 167 habitants ce qui représente 78,1 % de la hausse totale de la population du département.

 

Part des personnes de plus de 60 ans dans la croissance de la population totale enregistrée sur la période 2001-2011
Territoires Part (%) Territoires Part (%) Territoires Part (%)
Aisne 186.8 Hertfordshire 40.1 Seine-et-Marne 36
Aurigny -27.1 Isle of Wight UA 113.9 Seine-Maritime 311.5
Bath and North East Somerset UA 59.6 Isles of Scilly UA 294.0 Sercq 0
Bedfordshire 62.6 Jersey 32.5 Slough UA -0.5
Bournemouth UA 2.5 Kent 46.3 Somerset 85.5
Bracknell Forest UA 111.5 London 7.3 Somme 90
Brighton and Hove UA -10.4 Luton UA 11.8 South Gloucestershire UA 73.9
Bristol, City of UA 7.6 Manche 95.3 Southampton UA 7.9
Buckinghamshire 84.7 Medway UA 67.6 Southend-on-Sea UA 22.4
Calvados 78.1 Milton Keynes UA 28.3 Surrey 54.9
Cornwall UA 83.1 Morbihan 47.2 Swindon UA 24.3
Côtes-d'Armor 41.4 Nord 182.1 Thurrock UA 28
Devon 90.6 North Somerset UA 74.8 Torbay UA 315.6
Dorset 103.8 Oise 70.9 Val-d'Oise 52.5
East Sussex 57.9 Orne -995.6 Val-de-Marne 26.5
Essex 77.7 Oxfordshire 54.7 West Berkshire UA 81.7
Essonne 55.1 Paris 25.7 West Sussex 55.4
Eure 47.2 Pas-de-Calais 106 Wiltshire UA 62.4
Finistère 48.7 Plymouth UA 43.1 Windsor and Maidenhead UA 51.4
Gloucestershire 75.4 Poole UA 49.6 Wokingham UA 200.7
Guernesey 79.8 Portsmouth UA 4.6 Yvelines 99.5
Hampshire 88.3 Reading UA 6    
Hauts-de-Seine 21.0 Seine-Saint-Denis 18    

 

Ces croissances de la population âgée en augmentation dans la majorité des territoires transmanche entraînent un déséquilibre dans la répartition et le poids des classes d'âges qui se lisent à travers l'analyse des indices de vieillissement.

2.2. Augmentation du vieillissement en milieu rural, rajeunissement des espaces urbains

L'indice de vieillissement (IDV) qui permet d'exprimer le rapport entre les plus jeunes (moins de 20 ans) et les plus âgés (plus de 60 ans) se lit de la façon suivante : plus l'indice est proche de 100, plus le vieillissement de la population est avancé. Lorsque cet indice dépasse 100, il indique alors que la proportion de personnes âgées au sein d'un territoire donné est supérieur à la part qu'occupent les plus jeunes. En 2001, l'espace Manche avait un IDV de 78, avec respectivement 81,8 et 74,2 pour l'Angleterre et la France. Les îles Anglo-Normandes détenaient l'IDV le plus important de la zone avec un score de 87,5. Les espaces où la part des personnes âgées dépassaient les plus jeunes s'organisaient en deux groupes :

  • Ceux où le vieillissement était entamé mais encore en devenir (IDV légèrement supérieur à 100) : Orne, Morbihan, Finistère, Pas-de-Calais, Côtes-d'Armor et Ville de Paris côté français, et le Somerset, West et East Sussex, les comtés de Cornwall et Devon et les Unitary Authorities de Poole, Bournemouth et Brighton and Hove.
  • Ceux qui regroupaient les territoires vieillis où l'IDV dépassait 125 : le Dorset, l'ïle de Wight et Torbay. Dans ces derniers la part des personnes de plus de 60 ans dépassait de plus de 25 % celle des plus jeunes.

 

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Dans les autres départements ou comtés, l'IDV était encore inférieur à 100, voire faible dans les aires urbaines, ou très faible (Val-d'Oise et Milton Keynes). En 2011, le vieillissement s'est accentué. L'IDV est aujourd'hui à 83,9 dans l'espace Manche, 88,9 côté anglais, 78,9 côté français et 104,9 dans les îles Anglo-Normandes. Quelques comtés ont dépassé le seuil de 150 : le Dorset et l'île de Wight, alors que le vieillissement s'est également accentué dans nombre de comtés du Sud Ouest et du Sussex anglais (entre 125 et 150). Enfin dans les trois quarts des territoires restants le seuil de 100 a été franchi. Le vieillissement de la population est installé, mais alors que la plupart de la zone vieillie rapidement, des territoires rajeunissent. C'est le cas du Pas-de-Calais, de Paris et de quelques départements de la grande couronne parisienne ainsi que de nombreux Unitary Authorities : Slough, Brighton and Hove, Bournemouth, Portsmouth, Reading, Bristol, Southampton et Londres. Est-ce ce phénomène de saturation que nous évoquions précédemment qui peut permettre d'expliquer ce rajeunissement ? Les raisons peuvent en fait être multiples, associant causes mécaniques et migrations de population. Tous les territoires ne vieillissent pas de la même manière et pour les mêmes raisons. Certaines zones sont attractives pour les jeunes retraités, d'autres se vident des jeunes actifs et des étudiants, entraînant par effet de ricochet la hausse de la proportion des plus âgés, même si leur nombre strito sensu reste stable. Il n'y a pas un mécanisme qui conduit au vieillissement démographique mais plusieurs. Gérard François Dumont, géographe et démographe a mis en évidence lors de ses travaux, une typologie des espaces concernés par ce que l'on nomme vieillissement en distinguant vieillissement et gérontocroissance. Nous avons fait l'expérience de cette typologie à l'échelle des territoires transmanche ce qui permet d'apporter un éclairage supplémentaire sur les processus en cours.

3. Typologie du vieillissement transmanche

Avant d'analyser plus en détail la typologie obtenue dans l'espace Manche, revenons sur les différents paramètres employés dans cette analyse.

Quatre processus différents ont été considérés par G. F. Dumont dans son analyse, nous avons repris ces mêmes paramètres :

  • le vieillissement qui qualifie l'augmentation de la part des 65 ans ou plus dans la population d'un territoire,
  • le rajeunissement, processus inverse qui voit diminuer la part des plus de 65 ans au sein d'une population donnée,
  • la gérontocroissance qui se caractérise par une augmentation du nombre des personnes âgées, n'entraînant pas nécessairement une augmentation de leur part dans la population totale,
  • la gérontodécroissance qui à l'inverse s'illustre par une diminution du nombre des personnes âgées.

Ces quatre processus combinés les uns aux autres permettent de qualifier quatre types caractérisant les territoires vieillis ou vieillissants.

3.1. Type 1 : gérontocroissance et vieillissement

Ce type regroupe les territoires qui ont vu à la fois augmenter le nombre de personnes âgées dans leur population totale mais aussi la part que ces classes d'âges représentent. Ce type d'évolution démographique est en quelque sorte le cas de figure le plus révélateur d'une situation de vieillissement démographique important. Vieillissement et gérontocroissance sont observés dans ces territoires depuis 2001. Deux tiers des territoires qui constituent l'espace Manche sont concernés par ce type. Tout le sud de l'Angleterre sauf l'East Sussex et les grandes aires urbaines (Londres, Portsmouth, Southampton, Brighton and Hove, Reading…) sont dans ce cas. Dans ces territoires, les personnes âgées de plus de 65 ans représentent plus de 14 % de la population totale, voire dans la majorité des cas plus de 18 %. En France, ce type concerne 14 des 23 départements de la zone. Ces derniers correspondent à des territoires qui ont tous, durant la période intercensitaire 2001-2011, enregistré une accentuation du vieillissement de la population. Cette situation est due, comme nous l'avons dit précédemment, à la combinaison de plusieurs facteurs tels que l'allongement de la durée de vie, la baisse de la natalité et la disparition progressive du croissant fertile ainsi que l'arrivée parfois massive de retraités migrants. Cette dernière raison s'illustre particulièrement dans le cas du Morbihan.

3.2. Type 2 : gérontodécroissance et vieillissement

Ce type regroupe les espaces qui ont enregistré une hausse de la part des personnes âgées de plus de 65 ans dans leur population totale, alors même que le nombre de personnes âgées à lui, diminué sur la période 2001-2011. Comment expliquer cette évolution asynchrone ? Si la population de plus de 65 ans n'augmente pas en nombre mais que sa part s'accroît, cela signifie donc que les autres classes d'âges ont du perdre de leur poids respectifs. En clair, si la part des plus âgés augmente et pas leur nombre, cela signifie que la part des plus jeunes baisse ou stagne. Seul un territoire est dans ce cas de figure sur toute la zone transmanche : l'Orne. Dans ce département français, le vieillissement est structurel et difficilement réversible ; les jeunes quittent le département à la recherche d'un emploi ou de formations... mais ils ne sont pas remplacés par des arrivées de jeunes. Leur part dans la population baisse, alors même que celle des plus âgés s'en trouve augmentée et confortée par l'arrivée dans cette classe d'âge des enfants du baby-boom. Dans ce type de situation, si les signes du vieillissement sont peut-être moins évidents, ils n'en sont pas moins préoccupants pour l'avenir car plus difficilement réversibles.

 

Typologie du vieillissement 2011
AgrandirSource : F. Turbout, sur la base des travaux de G.F. Dumont, 2014

 

3.3. Type 3 : gérontocroisance et rajeunissement

Associant une croissance du nombre de personnes âgées mais une baisse de leur poids démographique au sein de la population totale d'un territoire, ce type d'évolution concerne quelques territoires de l'espace Manche, dont en France, le Finistère, les Côtes-d'Armor, l'Ille-et Vilaine, le Pas-de-Calais, l'ensemble de la grande couronne parisienne, et côté anglais, la région de Londres et l'East Sussex. En fait ce type de situation peut se justifier de deux manières :

  • d'une part, la population jeune a connu une augmentation et sa part dans la population totale a progressé. Par conséquent, la part des plus âgés a eu tendance à s'abaisser, même si leur nombre a augmenté. Leur poids démographique est relativisé par le poids des autres classes d'âges ;
  • d'autre part, ces territoires ont vu affluer des population jeunes (étudiants, couples avec enfants) qui permettent d'augmenter le poids des classes d'âges les plus jeunes au détriment des plus âgés. Même si le nombre des personnes âgées continue à augmenter, leur poids est relativisé par les autres classes d'âges. Ces territoires véhiculent une image plutôt dynamique et attractive.

3.4. Type 4 : gérontocroissance et rajeunissement

Ce dernier type illustre une situation « idéale » au regard des autres territoires de la zone. Dans ce dernier cas de figure, tous les indicateurs sont au vert, le nombre des personnes âgées et leur part dans la population totale sont en baisse. Il s'agit d'un côté comme de l'autre de la Manche, des aires urbaines majeures : Paris, Portsmouth, Southampton, Brighton, Bristol... Attractives pour les jeunes générations, elles enregistrent un fléchissement des effectifs des plus âgés, soit par un effet de saturation, soit parce que les plus âgés sont indirectement créateurs d'emplois de services à la personne et de soins. Ces territoires souvent encore jeunes et dynamiques démographiquement (natalité et fécondité élevées) contre-balancent le vieillissement parfois important des territoires voisins.

 

L'espace Manche, fort de ces 49,8 millions d'habitants répartis de part et d'autre de ce couloir maritime majeur est une zone de forte concentration des populations. Les grandes aires urbaines et les deux grandes métropoles internationales jouent leur rôle de pôles attractifs à plein. Densément peuplées, ces aires métropolitaines marquent les paysages transmanche de leur empreinte démographique, plutôt jeune et dynamique. Elles entraînent dans leur sillage les territoires voisins. À l'inverse, le rural profond se vide et vieillit fortement. Le vieillissement de la population transmanche n'est plus en devenir, il est une réalité. De nombreux comportements naissent liés à la saturation des espaces vieillis et au décalque des phénomènes sur les territoires proches. Ce jeu de « saut de puce » observé il y a 10 ans, se confirme et des territoires hier vieillis, rajeunissent peu à peu, redeviennent attractifs pour les jeunes générations à la recherche d'emplois de services aux plus âgés, alors même que le vieillissement s'accentue dans les territoires voisins. Les situations de vieillissement sont différentes mais dans la plupart des territoires transmanche, le phénomène est avancé. Cet enjeu majeur de nos sociétés trouve dans cet espace transfrontalier un terrain d'expérimentation des politiques sociales et économiques à l'image de la Silver économie.


 

1 Voir les travaux de thèse de F. Loew – Pellen (Turbout), Mutations socio-spatiales et vieillissement des zones littorales sous l'effet de migrations de populations âgées. Comparaison France/Angleterre . Université de Caen, 2001.

2 Voir les travaux de thèse de F. Loew – Pellen (Turbout), Mutations socio-spatiales et vieillissement des zones littorales sous l'effet de migrations de populations âgées. Comparaison France/Angleterre . Université de Caen, 2001.

 


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