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Le poids économique du tourisme (2018)
Auteur : Frédérique Turbout

Note méthodologique: la particularité des données concernant le tourisme est le décalage entre la date de publication et l'année correspondant aux observations et données collectées ; en effet, les données du tourisme disponibles en 2019 sont en fait les résultats des saisons touristiques de 2017, consolidées et publiées en 2018. Il y a donc globalement deux années d'écarts dans le traitement de la donnée. Nous parlerons donc de données 2018 (chiffres 2017) durant cette analyse. Lorsque des données pour l'année 2019 (chiffres 2018) seront disponibles, elles seront alors précisées dans le propos. 

Le tourisme reste en 2018 une activité majeure à l'échelle du monde ; 794 millions de personnes ont ainsi voyagé de par le monde durant l'année 2017. Activité essentielle à bien des régions du globe, le tourisme fait vivre de nombreuses personnes directement ou indirectement et génère quelques 1 186,3 milliards d'euros de recette pour cette seule année 2017. Si l'on raisonne en terme d'exportation, le tourisme se classe en troisième position juste derrière la chimie et les carburants mais devant l'automobile.

Face à la crise que connaît le monde en ce printemps 2020, ces quelques chiffres mettent en lumière l'importance de ce secteur d'activité pour les économies nationales. Dans cet ensemble mondial, l'Europe et particulièrement la France occupent une place particulière.

L'Europe, première destination touristique des étrangers et première en ce qui concerne les recettes issues du tourisme, ce sont quelques 671 700 000 touristes qui ont séjourné dans un pays européen générant ainsi 459,6 milliards d'euros de recette. Plus de la moitié des touristes accueillis en Europe sont originaires d'autres parties du globe. Ils sont également à l'origine de plus de 38 % des recettes du tourisme. À l'échelle de la France, le tourisme est incontestablement une activité cruciale à l'économie nationale. Le pays était en 2017 en tête du classement mondial des destinations touristiques. La France a ainsi accueilli en 2017, 86,9 millions de touristes internationaux pour des recettes s'élevant à 62,6 milliards d'euros. 

1. Le tourisme en France : quel poids économique ? 

Alors même que le secteur du tourisme a été fortement touché par la pandémie de Covid-19, l'impact économique est encore difficilement mesurable, de nombreuses activités connexes au tourisme sont également impactées. La consommation touristique intérieure française s'est élevée en 2017 à quelques 168 milliards d'euros, ce qui représente 7,23 % du PIB français. Cette consommation est avant tout le fait de la consommation des Français en villégiature à l'intérieur de l'hexagone, soit 103,3 milliards d'euros (4,5 % du PIB), contre 62,6 milliards pour les visiteurs étrangers (2,73 % du PIB). Ces recettes sont en hausse depuis 2016 de plus de 8 %. L'essentiel de la consommation touristique se répartie entre les dépenses liées à l'hébergement et la restauration. Ainsi entre les hébergements et la restauration, les dépenses s'élèvent à 148,4 millions d'euros en 2017, soit une hausse de près de 5 % par rapport à 2016. La valeur ajoutée de ces deux secteurs représentent à eux-seuls 57,9 milliards d'euros, soit presque 3 % de la valeur ajoutée totale de l'économie française.    

Tableau n°1 : Répartition de la consommation touristique 2018 (chiffres 2017).

Type d'hébergement

Consommation (milliards d'euros)

Hébergement non marchands (1)

32,1

Dont touristes français touristes étrangers

13,4

18,6

Restauration - cafés

16,7

Dont touristes français touristes étrangers

7,6

9,2

Hébergements non-marchands (2)

19,6

Consommation touristique (1+2)

68,4

 

dont 40,7 % de la consommation totale

Source : Lomonaco J.-Ch., 2019, La croissance de la consommation touristique en France se confirme en 2018, DGE, janvier 2019. 

 

Si les recettes touristiques sont essentielles pour l'économie française, l'emploi et le tissu entrepreneurial qui y sont associés reflètent également la position française dominante sur l'échiquier touristique mondial.

En 2016, on dénombrait 313 009 entreprises liées au secteur pour un total de 1 127 796 emplois (ETP) principalement dans les domaines de la restauration, de l'hébergement et des transports. Ces emplois représentent 8,7 % de l'emploi salarié total en France en 2017. En cette période de pandémie, on mesure ainsi l'impact sur l'emploi de l'arrêt du tourisme et des activités connexes pour les régions françaises.

En Île-de-France, 9 % des emplois sont concernés, tout comme la Corse avec 11,6 % de l'emploi régional occupé dans le tourisme, ou bien encore la région PACA (9,3%). Les régions de l'espace Manche ne sont pourtant pas en reste. 

2. Le poids de l'économie touristique dans l'espace Manche, côté français 

Dans les régions françaises de l'espace Manche, le secteur touristique représente 6,2 % de l'emploi régional en Bretagne. En Normandie et dans les Hauts-de-France, on atteint respectivement 5,6 % et 5,7 % de l'emploi régional. Rappelons qu'à l'échelle française, la part de l'emploi liée au tourisme atteint 7,3 % de l'emploi total.

Pour l'ensemble des régions françaises de l'espace Manche 26,5 % des emplois, soit plus d'un emploi sur quatre est lié au secteur du tourisme. On le sait, le tourisme mobilise bien d'autres pans de l'activité économique de ces régions, tant dans les activités sportives, que les arts et spectacles, le patrimoine et les transports. On est donc en deçà de l'emploi réel lié aux activités de tourisme et de loisir en région.

Néanmoins, si on exclut de ces chiffres les résultats de l’Île-de-France, où le tourisme d'affaire représente une part conséquente de l'activité d'hébergement-restauration, l'emploi occupé dans le tourisme pour les autres régions de l'espace Manche est de 17,5 %, soit un peu moins d'un emploi sur 5, ce qui n'est pas sans conséquence.     

Tableau n°2 : Répartition de l'emploi caractéristique du tourisme en 2017

Régions

Total

Dont hébergement marchand

Dont restauration et cafés

Part de l'emploi régional (%) par rapport au total France

Bretagne

49 973

8 735

27 557

6,2

Normandie

45 197

7 728

24 351

5,6

Hauts-de-France

82 451

8 241

47 961

5,7

Île-de-France

420 498

56 374

203 416

9,0

Total

598 119

81 078

303 285

26,5

Total (Hors Île-de-France)

177 621

24 704

99 869

17,5

Source : DGE – Mémento du tourisme 2018. 

 

En 2017, sur les 31 077 entreprises liées à l'hébergement-restauration, 7 315 défaillances d'entreprises ont été comptabilisées. Fortement dépendantes de la conjoncture économique, mais aussi de ce que l'on nomme en économie du tourisme, les facteurs d'ambiance, c'est-à-dire le climat politique, sécuritaire d'un espace, les entreprises touristiques peuvent se trouver fragilisées, d'autant que la saisonnalité des activités imposent des temps courts pour assurer la viabilité économique des dites entreprises. Nombre de structures sont ainsi fragilisées par des activités en dents de scie et au moindre incident, se retrouvent dans des situations financièrement fragiles, voire insurmontables, les obligeant à mettre la clef sous la porte. De plus, une entreprise sur 5 est aux mains d'un micro-entrepreneur. Ce secteur de l'hébergement-restauration porte les marques de cette relative exposition aux aléas, un peu plus d'une entreprise sur 10 qui clôt son activité est issue de ce secteur.

Outre les retombées sur le secteur de l'hébergement-restauration, le tourisme a un impact direct sur les finances régionales par le biais des taxes de séjours. S'élevant à quelques euros pour les visiteurs durant leurs séjours, elles correspondent à l'échelle de la France, outre-mer inclus, à quelques 233,7 millions d'euros reversées aux communes ! Ces taxes de séjour sont pour nombre de communes touristiques, une manne économique indispensable au développement des territoires. 

Tableau n°3 : Produit de la taxe de séjour communale 2018 (euros)

Régions

Produit de la taxe de séjour (euros)

Bretagne

7 067 753

Hauts-de-France

5 197 950

Normandie

3 657 618

Île-de-France

100 271 366

Total

116 194 687

Total hors Île-de-France

15 923 321 (soit un peu plus de 1 euro habitant/an)

Source : DGE – Mémento du tourisme 2018. 

 

Outre les retombées économiques des taxes de séjours, la consommation touristique des visiteurs dans les régions transmanche française s'élèvent à 36,9 milliards d'euros et 16,1 milliards si on exclu l’Île-de-France. Plus globalement, la consommation touristique se répartie ainsi entre les différentes régions françaises de l'espace Manche : 

Tableau n°4 : Recettes du tourisme 2018 (euros)

Régions

Consommation touristique (milliard d'euros)

Bretagne

4,6

Hauts-de-France

6,22

Normandie

5,3

Île-de-France

20,8

Total

36,9

Total hors Île-de-France

16,1

Sources : CRT Bretagne, Hauts-de-France, Normandie, Île-de-France 2020. 

 

Avec plus de 16,1 milliards d'euros, la consommation touristique des régions de l'espace Manche représentent un peu plus de 9,5 % de la consommation totale en France, et si on ajoute l’Île-de-France, le pourcentage atteint 22 % du total.

L'importance de cette dernière région est évidente, mais les trois régions bordant la Manche tiennent cependant une bonne place sur les 13 autres régions que compte l'hexagone, même si elles sont loin de concurrencer les grandes régions du Sud. Elles restent des régions de tourisme familial, souvent en hébergement non marchands, dans la famille ou chez les amis. 

Carte n°1 : Dépenses touristique 2018 dans les régions transmanche. 
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Auteur : F. Turbout, MRSH, Université de Caen 2020.

3. Le poids de l'économie touristique dans l'espace Manche, côté britannique 

De l'autre côté du Channel, le tourisme est également primordial. C'est dans ce Sud anglais que le tourisme balnéaire est né. Activité majeure, les recettes du tourisme côté anglais pour l'année 2018 s'élevaient à presque 24 milliards de £ pour les visiteurs résidents et 22,4 milliards de £ pour les recettes issues du tourisme étranger. Au total, les recettes touristiques anglaises atteignent 46,4 milliards de £. Il est vrai que comme en France, la capitale londonienne attire de nombreux visiteurs et génère à elle seule quelques 4,2 milliards de £ de recette touristique.

Faute de données disponibles selon des modes de comptage identiques à ceux utilisés en France, il est difficile de comparer l'emploi touristique des deux côtés de la Manche, cependant, notons que l'emploi total dans le secteur touristique concernent quelques 1,4 millions de travailleurs directs ou indirects dans les régions du sud anglais et à Londres. Si on exclut la capitale londonienne, les emplois sont au nombre de 745 693 en 2018 (chiffres 2017). C'est plus que côté français, mais en réalité ces chiffres incluent la totalité des emplois principaux (Main job) ou secondaires (Second job) de tous les secteurs d'activité ayant trait au tourisme.

À l'échelle des régions, les recettes touristiques se répartissent de la façon suivante : 

Tableau n°5 : Répartition de la consommation touristique des régions de l'espace Manche, côté anglais, 2018.

Régions

Consommation touristique (milliards de £)

South East

2

South West

1,1

London

12,3

Total

15,4

Total hors London

3,1

Source : Visitbritain, 2020. 

 

Au regard de ces quelques chiffres, le sud anglais apparaît clairement comme une destination prisée des touristes anglais au Royaume-Uni. Mais la consommation touristique est nettement moins importante côté britannique que côté français, deux fois moins en réalité. Mais si on exclu les deux métropoles européennes, le total de la consommation touristique est cinq fois moins important en Angleterre qu'en France.

Au total sur l'ensemble de la zone transmanche, la consommation touristique s'élève à quelques 52,3 milliards d'euros, soit la moitié de ce que consomme les Français en France pour leurs séjours touristiques. 

 

 

Ces quelques données économiques, qu'il s'agisse de l'emploi, de la consommation touristique, des retombées économiques à l'échelle nationale ou régionale, font apparaître que le tourisme est une activité économique de premier ordre pour les régions transmanche. La crise sanitaire actuelle aura nécessairement des conséquences, notamment sur les entreprises les plus fragiles, sur l'emploi des saisonniers, des jeunes en jobs d'été, fragilisant plus encore toute une catégorie de population, dont les étudiants. De même le secteur de l'évènementiel, lié au tourisme et au loisir, celui des arts et des spectacles sont également fortement impactés. Dans l'espace Manche, cet épisode imprévu vient s'ajouter au Brexit, lui-même source d'inquiétude quant à la fréquentation à plus long terme de la clientèle britannique dans les régions françaises de l'espace Manche. Quelques signes de baisse des traversées de passagers ferry témoignent de ces inquiétudes des professionnels. Enfin, la fermeture des frontières ou leurs ouvertures encore progressives auront nécessairement un impact fort sur l'économie du tourisme dans la zone, les touristes étrangers, dont les Américains ou les Canadiens sont une clientèle importante liée au tourisme de mémoire et participent notablement aux recettes touristiques dans la zone.


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