La mer de la Manche et le détroit du pas de Calais. Grand passage du monde, le plus fréquenté avec son jumeau asiatique, le détroit de Malacca. Comme lui, l'un des passages naturels qui ont permis l'intensification et l'accélération des échanges internationaux, comme Gibraltar, bien avant les grands passages percés par les hommes pour accélérer encore, Suez et Panama. Pour la Manche et Malacca, on parle en dizaines de siècles pour une multiplication des trajets et des traversées. La première galère à joindre Gênes à Bruges effectue le trajet en 1277. Avant ce qui est une première « ligne », des siècles de cabotage avaient porté les échanges. Cette ligne Gênes-Bruges double par voie maritime les voies terrestres qui avaient fait la fortune des foires de Champagne entre les villes du Nord et celles d'Italie. Elle sera suivie de nombreuses autres lignes, l'intense échange ne fera qu'amplifier dans la longue durée, sautant les nombreux à-coups et trous d'air des multiples conflits.

Cette présentation est actualisée le dernier jour de l'année 2021. La Mer de la Manche ne peut plus être présentée sans intégrer deux chocs violents : les disparitions de nombreux migrants dans les eaux froides, dans leurs tentatives de rejoindre l'Angleterre, eldorado à leurs yeux, et le Brexit. Les tentatives à risque mortel des migrants amènent en Manche des situations qui étaient malheureusement le lot de la Méditerranée depuis plusieurs années. Ces deux faits, morts d'humains cherchant à passer des frontières extrêmement contrôlées, et Brexit rompent le lien européen, marquant un coup d'arrêt à une situation qui s'était ouverte dans les années 1970 : celle d'une fluidité toujours plus grande des échanges Royaume-Uni–continent dont l'intensité était une des plus importantes au monde. La mer de la Manche est le cordon ombilical du continent européen au monde, elle est aussi, dans un trafic orthogonal, le support d'échanges continent–Royaume-Uni très importants. Depuis les années 1970, la multiplication des lignes de ferries qui atteindront entre 90 et 120 rotations journalières dont 40 dans le seul détroit, l'ouverture du tunnel sous la Manche, rêve séculaire réalisé, l'entrée du Royaume-Uni dans la Communauté européenne, le développement de l'intégration de l'Union européenne, jusqu'aux programmes interrégionaux de part et d'autre de la Manche n'avaient cessé de tisser et coudre des liens plus étroits : un camion toutes les 30 secondes franchissait la Manche au début des années 2000, en un temps record. Cette dynamique a connu un coup d'arrêt avec le Brexit. Elle est toujours en échanges de biens une des plus importantes du monde, mais elle est grippée. Les flux de personnes ne sont plus simples, ils sont maintenant extra-européens, et impossibles pour les exilés transitant par l'Europe.

Cet atlas numérique donne à voir et à comprendre les dynamiques à l’œuvre dans cette mer qui est tout à la fois un grand passage du monde et toujours une petite mer franco-britannique. Il montre les dernières évolutions, il suit dans la durée, depuis les années 1990, différents phénomènes, de l'évolution de la population à celle du trafic maritime. Il est multithématique pour appréhender au mieux, dans toutes leurs richesses, les territoires qui bordent la Manche des pointes de Cornouailles et de Bretagne jusqu'au détroit entre Douvres et Calais.

Atlas numérique, il combine recherche de géographes et recherches interdisciplinaires sur le document numérique pour fournir à tous un outil de compréhension.

Brexit, frontières du Royaume-Uni bouclées aux migrants, circulation des hommes et des marchandises entre Royaume-Uni et continent compliquée par des mesures de contrôle que la pandémie de Covid accentue encore, la tonalité du moment n'est plus à la fluidité maximale et à l'intensification. Pour autant les caractéristiques structurelles de la Manche demeurent : toujours grand passage du monde, toujours mer franco-anglaise. L'Atlas Espace Manche fait découvrir son histoire longue et les multiples caractéristiques de son présent.