19901990
 
Les Français dans le Sud Anglais
(1992-1995)
Auteurs : Guillaume Bernard, Frédérique Turbout

La France envoie ses concitoyens en grand nombre vers l'Angleterre. La Grande-Bretagne représente la troisième destination d'expatriation pour les Français après la Belgique et l'Allemagne. Selon les chiffres consulaires, la population française présente en Angleterre serait d'environ 160 000 personnes. En 1993, les statistiques européennes estimaient la communauté française au Royaume-Uni à environ 42 000 personnes. Ce chiffre est sujet à erreur étant donné qu'il n'existe aucun recensement global de la population française. Les Français, en effet, ne sont pas tenus de déclarer officiellement leur présence au Royaume-Uni. Le chiffre de 42 000 personnes est basé sur le nombre de personnes immatriculées au consulat français.

En 1994, 11 000 personnes ont transité de France au Royaume Uni afin d'y élire résidence. La même année, en 1994, le consulat général de France à Londres, enregistrait 5 286 nouvelles immatriculations. Cela signifie que l'immatriculation représente environ la moitié du nombre réel de Français se rendant en Angleterre afin d'y élire résidence. En 1995, le registre d'immatriculation des Français à Londres indique le chiffre de 7 469 nouvelles entrées. L'hypothèse avancée est que le flux réel est supérieur à 15 000 personnes pour l'année 1995.

Cette hypothèse est étayée par l'amorce dès 1993, de conditions favorables à l'établissement des Français en Angleterre. L'Angleterre a, dès le milieu des années 1990, recouvré une croissance économique favorable à l'emploi alors que la livre, relativement faible par rapport au franc français jusqu'en 1996, jouait en faveur des investissements français. D'autre part, le nombre de personnes de nationalité française présentes en Angleterre a subi une très forte augmentation depuis le début des années 1990. En 1996, la communauté des Français immatriculés atteint 48 767 personnes, soit plus de 6 000 personnes depuis 1993. Il est possible que le chiffre réel soit le double. En 1998, la communauté française immatriculée atteint 60 000 personnes. Cela signifie que près de 20 000 Français ont choisi de migrer au Royaume-Uni entre 1993 et 1998. La communauté française en Angleterre a quasiment augmenté de moitié depuis l'ouverture des frontières européennes si l'on s'en tient aux chiffres officiels. Officieusement, le consulat de France à Londres estime qu'il y aurait près de 100 000 français présents dans la capitale britannique !

Le recensement général de la population britannique ne comporte pas stricto sensu de chiffres concernant les résidants français. Une étude interne au consulat fournit le nombre de Français immatriculés en Grande-Bretagne de 1961 à 1995. Il y a ainsi près de 60 000 Français résidants en Angleterre selon les chiffres officiels en 1998. Passés de 41 000 en 1991 à 48 000 personnes en 1995, ces chiffres indiquent bien une forte progression de la migration vers la Grande-Bretagne. Près de 20 000 personnes ont émigré vers l'Angleterre en l'espace de 8 ans, soit une hausse de près de 50 % entre 1991 et 1998.

Présence française en Angleterre

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Dans la région du South West, la présence française est limitée. On totalise 2 300 personnes de nationalité française immatriculées. La présence française réelle dans le South West est vraisemblablement de l'ordre du triple en 1992.

Les Français se répartissent selon trois groupes d'importance croissante. Le Wiltshire, malgré sa relative proximité de Londres, compte une présence française officielle que l'on peut qualifier de négligeable (12 personnes). Gloucestershire et Somerset présentent les effectifs les plus faibles avec 333 personnes en tout. Ensuite viennent le Devon et la Cornouaille qui regroupent 713 Français. Les comtés qui regroupent le plus de migrants sont le Dorset et l'Avon : ils comptent respectivement 712 et 566 migrants français. La cartographie de ces résultats met en valeur une diminution de la présence française au fur et à mesure que l'on progresse vers le Nord. La seule exception à cette règle est constituée par l'Avon. Il nous est impossible de préciser les raisons de tel phénomène si ce n'est la forte présence française à Bristol (457 en 1996). Enfin la communauté française se regroupe dans le comté du Dorset (700 personnes) et fait de ce comté du Sud Anglais un des espaces les plus attractifs pour les Français qui se rendent Outre-Manche.

La région du South East est intéressante d'un point de vue migratoire puisqu'elle regroupe une très importante communauté française. En 1992, on comptait dans cette région (Londres exclu) près de 9 300 personnes de nationalité française immatriculées au consulat général de Londres. La réalité de la présence française dans cette région est beaucoup plus importante. Les statistiques consulaires permettent de mettre en évidence la dichotomie qui existe entre le South West peu peuplé de Français et le South East beaucoup plus prisé. Trois grands ensembles s'individualisent : les trois comtés du Nord-Ouest ne concentrent que 1 140 Français, il s'agit de l'Oxfordshire, du Bedfordshire et du Herdfordshire. Dans ces comtés, la représentation française y est la plus faible de la région du South East mais concentre déjà l'équivalent en nombre de Français de la région South West. Le deuxième ensemble est celui des comtés formant une couronne autour de Londres tels que le Hampshire (820), le Kent (1 070), l'East Sussex (1 100) et l'Essex (1 140). Enfin le troisième ensemble est celui des comtés de l'ouest de l'agglomération londonienne comme le Surrey qui regroupe 2 100 Français en 1992.

Globalement, la présence française dans le Sud anglais même en augmentation demeure faible. Il y a une augmentation des effectifs selon une orientation Ouest-Est. La plus grande partie de la population française est concentrée dans l'agglomération londonienne.

 

De la difficulté d'estimer la population française en Grande-Bretagne

 

La France est avant tout un pays d'immigration, l'émigration est le plus souvent considérée comme une donnée négligeable. Il est vrai que les départs de Français à l'étranger ne concernent que des effectifs modestes. Cependant l'émigration française n'a jamais été inexistante, on constate même une augmentation régulière de la présence française dans le monde depuis 1970 (B. Verquin, Mouvements, le magazine des migrations internationales. 1996. N° 10. p. 2-4).

Cette population française installée en dehors du territoire national est difficile à dénombrer. En faire l'étude nécessite de franchir un certain nombre d'obstacles, méthodologiques et juridiques.

Les renseignements disponibles sont actuellement assez limités, du fait du peu d'intérêt porté à cette question, entraînant une réelle pauvreté statistique. Seule la Direction des Français à l'étranger (DFAE) du Ministère des affaires étrangères, qui rassemble les données recueillies par les ambassades et les consulats de France, dispose d'informations. Les associations de Français à l'étranger, telles que l'ADFE (Association démocratique des Français à l'étranger) ou l'UFE (Union des Français à l'étranger) ne produisent plus comme par le passé de statistiques propres. Elles se réfèrent aux statistiques diffusées par la DFAE.

Les sources fournies par les autorités portuaires, aéroportuaires ou bien encore l'enquête aux frontières sont de peu d'utilité. En effet, la plupart du temps, aucune différence n'est établie entre les visas des émigrants, des touristes ou des hommes d'affaires. L'OMI, l'Office des migrations internationales, dont une des fonctions est de favoriser l'emploi des Français à l'étranger, se réfère également aux statistiques de la DFAE.

La source statistique la plus fiable en ce qui concerne les Français à l'étranger demeure l'immatriculation consulaire, bien qu'elle se révèle incomplète. L'immatriculation des Français à l'étranger dans les consulats n'est plus obligatoire depuis 1961, de plus certaines personnes de l'État tels les diplomates en sont officiellement dispensés. Ces données sont les seules à fournir des renseignements sur le nombre de Français installés à l'étranger, et dans le cadre de cette étude, dans les îles britanniques, de 1992 à 1995.

En France, les sources disponibles sont de deux types : d'une part les recensements généraux de la population (RGP) de 1982 et 1990, bientôt de 1999, faisant état du nombre de Britanniques résidant dans les cantons français (le comptage est alors effectué au quart), d'autre part, les données du Ministère de l'intérieur disponibles dans les préfectures de départements.

La seconde source disponible relève de l'État français et est transmise par l'intermédiaire des préfectures (1990-1995). Les données relatives aux migrations sont disponibles au Service des étrangers de chaque préfecture ou à la DLPAJ (Direction des affaires juridiques et des libertés publiques, Ministère de l'intérieur, Paris). Ces administrations gèrent la délivrance des cartes de séjour (se reporter à l'article 9-1 de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile. J.O. du 12 mai 1998) et comptabilisent donc les Anglais présents en France pour une durée supérieure ou égale à un an.

Précisons que les recensements (jusqu'à l'exercice de 1999) de la population française ne contenaient malheureusement aucune interrogation concernant le séjour des étrangers en France. Toutefois, une question concerne les changements de résidence et permet de connaître l'importance des retours en France d'un recensement à l'autre.

Il nous est possible de fournir un état des lieux de la présence britannique dans l'espace transmanche à un moment donné. Les flux de personnes ne pourront être estimés qu'au moyen de l'analyse de l'évolution des stocks (ici 1992 et 1995).


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