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Les enjeux du transport maritime à courte distance
Avantages et obstacles à son développement en Europe (1999)
Auteur : Maud Lucas

Dans les régions maritimes, le transport maritime à courte distance pourrait contribuer à remédier à la congestion actuelle des transports par la route, compte tenu de ses avantages, mais à condition de surmonter certains d'obstacles.

Les avantages du développement du "short sea shipping"

Le short sea shipping présente un certain nombre de points forts :

  • Le continent européen a l'avantage de disposer d'atouts géographiques favorable au cabotage : il se compose de 35 000 kilomètres de côtes avec plus de 600 ports situés à proximité de centres industriels et un grand nombre de ports intérieurs accessibles aux navires de transport maritime à courte distance.
  • Contrairement au rail, à la route et aux voies fluviales, les coûts d'infrastructure sont faibles puisqu'ils se limitent aux ports et aux systèmes de communication et de sécurité nécessaires pendant la navigation. Ils sont d'autre part payés par les usagers des transports maritimes, ce qui n'est pas le cas pour ceux du rail et de la route, qui sont subventionnés et payés par le contribuable.
  • La consommation d'énergie du transport maritime est faible : selon des recherches faites par le Ministère britannique des transports, elle est de 0,12 à 0,25 méga-joules par tonne/km, contre 0,70 à 1,20 pour la route et près de 0,60 pour le rail.
  • Ce mode de transport est écologique : ses émissions de CO² par tonne/km sont de 30 g contre 41 pour le rail et 207 pour la route. Il convient de noter également que la demande de transport en Europe augmente régulièrement et accentue les encombrements, la pollution et donc les nuisances des routes terrestres : l'OCDE estime le coût des encombrements à 2 % du PIB des pays industrialisés, soit plus de 120 milliards d'euros pour l'Union européenne.
  • Il offre un niveau de sécurité élevé : selon les statistiques anglaises, le nombre de tués par milliards de kilomètres-passagers est de 0,5 pour la mer contre 13 pour les transports routiers et 2 pour les transports ferroviaires.
  • Le short sea shipping contribue au développement économique des îles et des régions périphériques de l'Europe. Il est un facteur de cohésion sociale au sein de l'Union européenne.
  • Il peut jouer un rôle moteur sur l'ensemble de l'activité économique maritime. Il sera sans doute l'un des principaux vecteurs de pérennisation de l'outil portuaire et des industries maritimes (création de nouveaux emplois directs et indirects). Ce nouveau mode de transport est important pour ces villes portuaires qui ont perdu leurs principales activités motrices au cours de ces dernières années (défense, pêche...).
  • Il favorise l'activité des chantiers navals européens car environ 50 % des navires qui y sont construits sont affectés au transport maritime à courte distance. Le transport maritime à courte distance nécessite l'utilisation de navires d'un type nouveau ou spécialement adaptés. Les caractéristiques de ce type de navire seraient un équipage réduit, une vitesse de croisière rapide, un faible tirant d'eau pour faire escale dans le plus grand nombre de ports et des capacités de transbordement autonomes. Les chantiers navals européens n'ont malheureusement pas encore exploré ce marché. Dans ce contexte, les chantiers et les opérateurs de transport maritime à courte distance pourraient être, l'un pour l'autre, à l'origine de nouveaux débouchés commerciaux.
  • Enfin, l'un des points les plus importants est que le short sea shipping constitue une solution de remplacement au transport routier dont le réseau est saturé. La croissance continue des échanges intracommunautaires permet de prévoir d'importants transferts sur la voie maritime de flux actuellement traités par voies terrestres. Par exemple, un caboteur peut transporter l'équivalent de 470 camions en une seule fois.

Le réseau routier ne pourra pas à lui seul faire face à l'accroissement des flux attendus d'ici dix à douze ans, les flux de marchandises seront doublés surtout qu'actuellement ce mode de transport rencontre de nombreuses difficultés : le trafic sur les autoroutes continuent de croître, certaines voies sont saturées (passages alpins et pyrénéens), la croissance du trafic de produits dangereux accentue les risques sur la route (la voie maritime présente beaucoup moins de risque), de plus ce mode de transport commence à connaître une pénurie de chauffeurs routiers.

Les obstacles directs à ce développement

Les handicaps du short sea shipping auraient pour causes principales :

  • Les déficiences des ports, qui contribuent à la lenteur de ce mode de transport (durée d'immobilisation des navires trop longue du fait de l'inadaptation des équipements portuaires aux besoins actuels les armateurs estiment que les navires passent en moyenne 60 % du temps total de transport dans les ports et 40 % seulement en mer) et à son renchérissement à cause des droits de port, à la fois trop élevés (70 à 80 % du coût total d'un transport maritime à courte distance), très variables selon les ports et non transparents (les navires doivent, dans certains ports, payer des services dont ils n'ont pas besoin ou qu'ils ne demandent pas: droit de pilotage, droits de remorquage, droits d'arrimage...). Également les services offerts par de nombreux ports restent ciblés sur les besoins et les exigences de la navigation hauturière. Il en résulte des conditions sous-optimales pour les services maritimes à courte distance.
  • Une image de marque obsolète : le transport maritime à courte distance est perçu comme un mode de transport dépassé, lent et compliqué, conçu essentiellement pour le transport de cargaisons de vrac volumineuses. De plus, l'âge moyen de la flotte française (vingt-cinq ans) ne favorise guère le développement d'une image de modernité et d'adaptation aux contraintes actuelles. Ce mode de transport est en opposition avec le transport routier qui satisfait aux exigences de durée de transport, de fiabilité, de souplesse, de fréquence et de sécurité de chargement.
  • L'insuffisance des liaisons port/arrière-pays de certains ports et particulièrement des ports français.
  • Un mode de transport non connecté aux chaînes intermodales qui est renforcé par l'absence d'uniformité des unités de chargement, le manque de gestion logistique, les difficultés d'organisation des chaînes intermodales et le prix du transport porte-à-porte.
  • Le barrage des procédures administratives et douanières imposées par le transport maritime à courte distance : la complexité des formalités et procédures administratives est un fait dans le quotidien du transport maritime à courte distance, qui ne contribue pas à renforcer la compétitivité de mode vis-à-vis de la route. À la différence d'un transport terrestre qui peut traverser l'Union européenne sans contrôle, les cargaisons transportées par cabotage maritime doivent satisfaire aux différentes procédures douanières. Les caboteurs et bateaux fluvio-maritimes sont assimilés aux navires au long cours et restent soumis aux mêmes exigences.
  • La lenteur des navires qui augmente les temps de transports par rapport à la route.
  • Les services maritimes ont des exigences en terme de stockage : ils ont une nécessité de remplissage compris entre 70 et 90 % et d'un minimum de 200 conteneurs sur un caboteur pour rester économiquement viables.
  • Le transport maritime à courte distance est également en concurrence avec le transport routier sur les distances parcourues. La route sert pour des trajets courts sur lesquels le mode maritime ne peut entrer en concurrence. Le short sea shipping est plus compétitif sur des trajets longs : pour des distances supérieures à 1 500 kilomètres, le mode maritime s'avère plus rentable que le mode routier, par contre pour des distances inférieures, le transport maritime à courte distance apparaît souvent proche du seuil de rentabilité. Dans les années 1990, la distance moyenne de transport d'une tonne de marchandises est de 100 km par la route, 270 km par la voie fluviale, 300 km par la voie ferroviaire et 1 385 km par la voie maritime à courte distance (graphique n°1).
 

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Source : Commission européenne, Résolution du Parlement européen sur la communication
de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social
et au Comité des régions, Le développement du transport maritime à courte distance
en Europe : une alternative dynamique dans une chaîne de transport durable
deuxième rapport d'avancement bisannuel
, COM (1999) 317

 

La route sert donc pour des trajets courts sur lesquels le mode maritime ne peut entrer en concurrence. Le cabotage est plus compétitif sur des trajets relativement long.

La part du transport maritime à courte distance n'est que de 6 % du volume total des marchandises transportées dans l'Union européenne, contre plus de 80 % pour la route, chiffre qui couvre essentiellement des transports nationaux sur de courtes distances.

Pour que le transport maritime à courte distance devienne une alternative viable, il est donc nécessaire que ce mode de transport devienne un élément dynamique au sein d'une chaîne de transport intermodal. Il doit être mieux intégré dans la chaîne logistique et ainsi renforcer ses liens avec d'autres modes de transports (fer et route). Il doit offrir une qualité de services plus adaptée à la demande des clients, une meilleure organisation logistique, des services d'un niveau de qualité élevée, des liaisons plus fréquentes et régulières. Il doit également attirer un volume de marchandises considérables de façon à atteindre un taux optimal d'utilisation de capacité de transport. Enfin, il doit mettre en place des guichets uniques prenant en charge la gestion et la tarification de l'ensemble de la chaîne de transport porte-à-porte, comme il en existe déjà pour le transport routier.


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