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Maritime
En ce début juillet 2015, la compagnie maritime MyFerryLink opérant sur le détroit entre Calais et Douvres et la SCOP SeaFrance ont stoppé leur activité. Retour sur une mort programmée d'un opérateur transmanche.
Navire SeaFrance au terminal ferry de Douvres - © Guy Milledrogues, 2007.
En décembre 2011, la compagnie maritime SeaFrance, filiale de la SNCF est placée en redressement judiciaire. Les salariés décident alors de poursuivre leur activité sous la forme d'une SCOP qui va employer quelques 600 marins, ex-SeaFrance. Les deux navires de SeaFrance opérant sur la ligne, le Rodin et le Berlioz sont rachetés par Eurotunnel. Un accord qui satisfait les deux parties est alors trouvé : la SCOP SeaFrance n'ayant pas les moyens financiers d'acquérir des navires, loue les deux navires, le Rodin et le Berlioz à Eurotunnel via sa filiale MyFerryLink, et les exploite avec ses propres marins. MyFerryLink se charge d'acheter les traversées et de les revendre aux clients potentiels, particuliers et transporteurs, mais aussi de supporter les éventuelles pertes. La SCOP SeaFrance devient donc un client de MyFerryLink. Eurotunnel s'assure ainsi la maîtrise des liaisons transmanche sur et sous l'eau dans le détroit du pas de Calais. Après plusieurs mois difficiles de relance de la ligne et de l'activité, la SCOP SeaFrance et la compagnie MyFerryLink commençaient à retrouver leur place dans le paysage très concurrentiel du détroit. Mais c'était là sans compter sur la guerre que se mènent les opérateurs sur ce point stratégique du transport maritime transmanche qu'est le détroit. Depuis plus de 20 ans, les compagnies françaises et britanniques tentent de s'imposer, nombre de compagnies ont disparu, alors même que de nouveaux opérateurs se sont imposés peu à peu. En 2014, la CMA (Competition and Market Authority) décrète au titre de concurrence déloyale, l'interdiction aux navires de MyFerryLink d'accoster au port de Douvres. Cette décision met fin au trafic de la compagnie pendant plusieurs semaines, mettant à mal la situation financière de la compagnie et de la SCOP SeaFrance, elle-même agitée de fortes dissensions en interne. En mai 2015, la cour d'appel de Londres remet en cause la décision de la CMA d'interdire l'accostage des navires de MyFerryLink au port de Douvres. Mais la CMA fait appel de cette décision. Lassée de ces revirements successifs et des attaques anglaises contre ses navires et son activité, Eurotunnel décide de vendre ses deux navires, mettant ainsi fin à son activité sur l'eau dans le détroit. Parallèlement, la SCOP SeaFrance qui connaît de graves difficultés financières et de gestion risque d'être placée en redressement judiciaire si aucun repreneur ne se manifeste, une mesure sollicitée par les administrateurs face à la cessation d'activité qui semble imminente compte tenu de la décision d'Eurotunnel de ne pas reconduire les contrats d'affrètement liant sa compagnie MyFerryLink à la SCOP SeaFrance à compter du 2 juillet 2015. Après de longues négociations entre opérateurs, c'est finalement la compagnie DFDS Seaways, opérant déjà sur le détroit qui se porte acquéreur des deux navires Eurotunnel à compter du 2 juillet. Entre l'annonce de la mise en liquidation judiciaire de la SCOP et l'annonce par Eurotunnel de l'opérateur retenu pour l'acquisition du Berlioz et du Rodin, les salariés se sont fortement mobilisés craignant pour leurs emplois (seulement 200 des 600 salariés devraient être repris par DFDS). Ils engagent des opérations d'envergure, bloquant l'accès au Tunnel et au ferry du port de Calais. Le préjudice de ces actions spectaculaires se chiffrant en millions d'euros et de livres, les opérateurs français exploitant le Tunnel assignent les manifestants au tribunal correctionnel pour dégradations lors des blocages, alors que le directeur du port de Douvres s'indigne ouvertement des pertes occasionnées par le blocage de Calais et donc par voie de conséquence de celui de Douvres. Même si la situation reste tendue, les dés sont pourtant jetés... la SCOP doit cesser son activité début juillet 2015. Alors même que la période estivale débute, seules deux compagnies subsistent sur l'eau, dans le détroit, DFDS Seaways et P&O Ferry réduisant un peu plus encore le nombre d'opérateurs transmanche. Depuis 20 ans, le nombre de compagnies de ferry transmanche opérant sur la Manche (hors liaisons vers l'Irlande ou l'Espagne) est passé de plus de sept à trois seulement, P&O ferry, DFDS Seaways et Brittany Ferries. Il faut y ajouter Condor Ferries qui associé à Brittany Ferries assure les liaisons vers les îles Anglo-Normandes et bien évidemment sous l'eau, Eurotunnel. Cette réduction de la concurrence est un réel paradoxe alors même que le trafic de passagers transmanche reste relativement stable, et ce malgré la montée en puissance du Tunnel sous la Manche. Cette réduction de la concurrence se fera-t-elle au détriment des passagers ? Assurément les prochains mois seront décisifs pour chacune de ces compagnies et ne présument en rien de futurs bouleversements du transport maritime dans le détroit démontrant une fois de plus l'enjeu de cette petite mer franco-britannique. Haut |