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Organisation des transports Transmanche
Auteur : Frédérique Turbout

 

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L'Espace Manche offre la particularité géographique de combiner de part et d'autre d'un couloir maritime au trafic intense, un état continental, la France et un ensemble insulaire, les Îles Britanniques. Comment relier les deux rives ? Quels moyens s'offrent aux touristes et au professionnels du transport aujourd'hui ?

Si les liaisons entre les deux pays ont été nombreuses et cela dès le Moyen Âge et l'époque de Guillaume le Conquérant, cette petite mer franco-britannique a représenté une barrière naturelle providentielle lors des conflits franco-anglais qui s'y sont joués durant près de trois siècles avant de devenir la voie de la liberté retrouvée en juin 1944. Pourtant dès le XIXe siècle, de nombreux projets, parfois plus fous les uns que les autres ont germé dans les brillants esprits de cette époque pour tenter de rattacher physiquement l'île anglaise au continent. Il faudra attendre 1994 et l'achèvement du Tunnel sous la Manche pour que s'ouvre de nouvelles perspectives de transport et de liaisons entre les deux rives. Depuis cette date, l'Angleterre n'est plus réellement une île car chaque jour plusieurs navettes ferroviaires effectuent la liaison entre Calais et Douvres, alors que plus de 10 millions de passagers ont emprunté une de ces navettes en 2014.

Ce lien fixe ne fait pas oublier les modes de transport plus conventionnels que sont les voies routière ou maritime.

Sur mer, près de 120 rotations régulières de ferry transportant camions, voitures et passagers piétons relient les ports transmanche. 29,6 millions de passagers ont effectué la traversée de la Manche sur l'une des 12 lignes régulières. Ce trafic intense se prolonge de part et d'autre de la mer par des réseaux de transport autoroutiers et routiers efficaces.

Côté anglais, le réseau routier et autoroutier est organisé en étoile à partir de la capitale londonienne, à l'instar de son homologue française Paris, autour de laquelle s'organise l'essentiel du réseau routier et autoroutier français.

Au départ des ports anglais et du Tunnel sous la Manche, de grandes autoroutes, pour la plupart gratuites, permettent de relier l'ensemble des grandes agglomérations de l'île. Ainsi, au départ de Douvres, l'autoroute M20 permet de rallier Londres en 1 h 40. À l'arrivée au ferry de Portsmouth, Londres n'est plus qu'à 1 h 30 par la M3 et à moins de 3 h de Birmingham via la M40 et un peu moins de 4 h de Manchester.

Il existe cependant de grandes disparités au sein du territoire. Si le sud anglais est particulièrement bien interconnecté aux autres modes de transport et au réseau secondaire intermédiaire, plus on progresse vers le nord du pays et vers l'Écosse et plus le réseau s'appauvrit. Au-delà de Manchester et de Leeds, seules deux autoroutes permettent de rejoindre la côte est ou ouest du pays, l'A1 s'arrêtant à Newcastle et la M74 en direction de Glasgow et d'Édimbourg se prolongeant par la M90 jusqu'à Perth ou l'A9 en direction d'Inverness au nord des Highlands écossais (10 h de Londres). Dès lors, faute de concentrations d'habitants suffisantes, le réseau se fait nettement moins dense.

En France, les ports de Calais, Le Havre, Caen-Ouistreham, Cherbourg et Saint-Malo sont reliés rapidement à l'A84, portion de l'autoroute des estuaires qui avait originellement pour vocation de relier la Belgique à l'Espagne sans passer par Paris. Un réseau de routes gratuites à deux fois deux voies de type voie express ou de type LACRA (Liaison assurant la continuité du réseau autoroutier) permettent de rallier les grandes autoroutes nationales, comme c'est le cas en Bretagne, par exemple. Comme en Angleterre ou en Écosse, les routes nationales viennent compléter le réseau rapide existant, même si par endroit (centre Bretagne, Péninsule du Cotentin), le réseau se fait moins dense.

Plus généralement, les deux rives de la Manche, via les traversées maritimes, apparaissent relativement bien reliées et interconnectées entre-elles. Cela ne présuppose en rien de l'écoulement du trafic en lui-même, car n'oublions pas qu'un navire transportant 13 000 conteneurs déchargés en totalité au Havre, par exemple, représente potentiellement, 13 000 camions sur la route au sortir du port. En fait, plus que les liaisons elles-mêmes, c'est l'interconnexion qui pose problème et plus particulièrement le maintien d'un « tout » routier que le ferroviaire devrait permettre de soulager. Ce n'est pas encore réellement le cas d'un côté comme de l'autre de la Manche, même si des efforts et des réflexions en ce sens sont menées depuis plusieurs années. Il ne faut pas en effet oublier que ce couloir maritime est l'un, si ce n'est le plus, fréquenté au monde en terme de trafic maritime, une partie de ce trafic se déversant en France comme en Angleterre par la route.

 ces réseaux routiers et autoroutiers s'ajoutent les réseaux ferroviaires. Très complexe au Royaume-Uni comme en France, le réseau ferré britannique compte quelques 17 000 km de voies organisées une fois encore autour de la capitale nationale et dont la gestion est confiée depuis les années 1990 à plusieurs sociétés privées. En France, les lignes grandes vitesses et les TGV mettent Londres à 6 h 15 de Marseille. Complété par un réseau ferroviaire secondaire de près de 30 000 km de lignes dont 2 024 à grande vitesse, le réseau est également organisé en étoile à partir de la capitale parisienne. Enfin, entre les deux pays, la liaison régulière via le Tunnel sous la Manche, grâce à l'Eurostar rapproche Paris de Londres en quelques 2 h 15.

Ces réseaux routiers, maritimes et ferroviaires se complètent de nombreuses liaisons aériennes entre les deux rives, au départ, une nouvelle fois des grands aéroports internationaux du Grand Londres (Heathrow, Gatwick, London City, Southend, Stansted et Luton) et de Paris (Roissy et Orly). Il faut jouter à ces grandes liaisons quelques lignes saisonnières essentiellement du Royaume-Uni vers la France, dont celle entre Dinard et Londres par exemple, ou bien encore celle entre Deauville et Stansted au Nord de Londres. Le développement des compagnies low-cost a également vu la multiplication des liaisons entre île et continent rapprochant encore une fois les deux rives de la Manche. 

L'ensemble de ces moyens de transport et les réseaux qui y sont associés créent une immense toile d'araignée au maillage relativement serré, qui tend à « gommer » ce que de part et d'autre, les populations ont longtemps considéré à tort ou à raison comme une frontière, un obstacle, cette petite mer-franco-britannique. Plus que jamais auparavant, elle est aujourd'hui un véritable trait d'union entre île et continent.


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