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Les initiatives européennes et françaises du développement du Short Sea Shipping (2000-2001)
Auteur : Maud Lucas

Depuis de nombreuses années, les institutions européennes ont affiché leur volonté d'encourager toutes les initiatives permettant de transférer des marchandises actuellement transportées par route vers le mode maritime. Cette volonté s'est traduite par des communications de la Commission européenne et des résolutions du Parlement favorisant le soutien de projets de lancement de lignes de transport maritime à courte distance. La Commission européenne a ainsi lancé des programmes de valorisation du transport maritime à courte distance (PACT et MARCO POLO).

La politique européenne

En décembre 1992, le Conseil a adopté le règlement n°3577/92 sur le cabotage maritime. "Il autorise les armateurs de la Communauté dont les navires sont immatriculés dans un État membre et battent pavillon d'un État membre à exercer librement, à partir de janvier 1993, des prestations de cabotage, sous réserve que ces navires remplissent toutes les conditions requises pour être admis au cabotage dans l'État membre concerné". (http://europa.eu.int)

La Commission considère que :

"Le secteur du transport maritime a joué et continuera à jouer un rôle important pour le transport de marchandises entre les États membres. Toutefois, l'utilisation du mode maritime est trop souvent limitée aux situations dans lesquelles les facteurs géographiques, tels que la nécessité de traverser des mers, exclut tout recours aux modes de transport terrestre. La concurrence potentielle des modes de transport maritime sur courtes distances avec les transports terrestres devra être pleinement développée, en particulier maintenant que le cabotage permettra de développer les services autour de la périphérie maritime de la Communauté. Au lieu des combinaisons classiques mer-fer et mer-route associant des traversées maritimes courtes à des trajets routiers ou ferroviaires plus longs, une traversée maritime plus longue pourrait considérablement réduire les trajets à parcourir sur terre. La volonté affichée des autorités communautaires de mieux répartir les coûts directs (infrastructures) et indirects (environnement et coûts sociaux) entre les différents modes de transport va renforcer la compétitivité du transport maritime". (Livre blanc de la Commission européenne sur les Transports, décembre 1992)

Le Livre blanc de la Commission intitulé "La politique européenne des transports à l'horizon 2010 : l'heure des choix" du 12 septembre 2001 met l'accent sur le rééquilibrage des modes de transport assurant l'intermodalité. La Commission se fixe comme objectif de renforcer la place du transport maritime à courte distance dans le cadre de la réalisation d'un grand marché unique des transports en Europe. Cet objectif repose sur :

La Commission incite indirectement les chargeurs à tenir compte de certains atouts du transport maritime à courte distance par rapport au mode routier. La réglementation communautaire relative au temps de repos et de conduite des chauffeurs routiers en est un exemple.

Parmi les autres chantiers réglementaires de la commission en faveur du "short sea shipping", on peut aussi citer le projet de directive sur l'harmonisation des formulaires administratifs exigés à l'entrée et à la sortie des ports de l'Union. Les autorités exigent fréquemment que les navires faisant escale dans les ports remplissent certaines formalités, telle que la remise de documents de base et de renseignements concernant le navire, son chargement, son équipage et ses passagers. Les escales portuaires sont notamment très fréquentes dans la navigation européenne à courte distance. Ce problème est un sérieux obstacle au plein développement de cette activité. En février 2001, la Commission européenne a adopté une proposition de directive qui simplifiera les formalités déclaratives pour les navires faisant escale dans les ports communautaires. Auparavant, ces formalités variaient considérablement d'un État membre à l'autre, et la Commission a décidé de mettre fin à cette situation néfaste en proposant une série normalisée de modèles de documents pour l'application uniforme des formalités dans l'Union.

Cette proposition est une innovation importante qui doit bénéficier à l'ensemble des acteurs maritimes (armateurs, chargeurs, agents maritimes) et qui doit s'appliquer aussi bien à la navigation à courte distance qu'en haute mer.

La commission soutient de manière directe les projets de lancement de lignes short sea. Le règlement relatif au PACT (Pilot for Combined Transport) a été le premier programme européen en faveur des lignes de transport maritime à courte distance.

Le programme européen PACT

Le programme PACT (actions pilotes en faveur du transport combiné) s'inscrit dans le cadre des efforts entrepris par la Commission pour mettre en place un système de transport équilibré et durable. Il a pour objectif d'aider l'industrie à combiner le transport ferroviaire, le transport par voie navigable et/ou le transport maritime à courte distance avec une composante limitée de transport routier, en recourant aux technologies de pointe pour mettre au point des services nouveaux et innovateurs suffisamment efficaces et rentables pour pouvoir concurrencer les transports effectués intégralement par la route.

Ce programme, créé en 1992, a donné lieu à de nombreuses initiatives de "transport combiné" puisque 167 projets concrets ont été lancés entre 1992 et 2000.

Dans le cadre du PACT, de nombreuses lignes de transport maritime à courte distance ont été créées. Certains de ces projets ont été menés à terme avec succès :

Le service de transport intermodal entre La Rochelle, Le Havre et Rotterdam

Ce service de transport a été lancé en 1997 par European Feeder Lines. Le volume potentiel de fret dans la région de La Rochelle est considérable. La majeure partie du trafic vient du Havre, d'Anvers et de Rotterdam ou passe par ces ports. En trois ans, 643 000 tonnes de cargaisons ont été transférées de la route vers le transport maritime.

Port de Dunkerque

Ce nouveau service de transport combiné fluvio-maritime a été lancé en 1996. Les marchandises sont transportées par barges de Lille à Dunkerque puis par navire de collecte sur le trajet Dunkerque-Anvers-Rotterdam-Felixstowe-Le Havre. Durant la première phase qui s'est achevée en 1997, le projet a dépassé son objectif de report du trafic routier vers le maritime, qui était fixé à 10 000 EVP par an.

Transport de conteneurs reliant Gênes à Barcelone

En 2000, une compagnie italienne a lancé un service de transport routier reliant le port de Gênes à celui de Barcelone en 12 heures, grâce à l'utilisation de navires rapides. "Ce nouveau service a connu un succès certain alliant vitesse et ponctualité et il permet aux entreprises de transport routier, à un coût compétitif, d'éviter d'utiliser des autoroutes parmi les plus congestionnées d'Europe. Un tel exemple montre que ce type de solution pourrait être étendu à d'autres destinations. Il allie la capacité du transport maritime à la flexibilité du transport routier". (Le Livre Blanc sur, La politique européenne des transports à l'horizon 2010 : l'heure des choix, Commission européenne, juillet 2001)

Une liaison entre la Suède et l'Italie

Un nouveau service combinant le transport ferroviaire et le transport maritime pour relier la Suède à l'Italie via l'Allemagne et l'Autriche s'est développé. Ce service décharge les routes encombrées de quelques 500 000 tonnes par an et améliore les temps de transit (jusqu'à 12 heures).

 

D'autres projets, par contre, ont échoué car ils n'avaient pas la surface financière nécessaire pour supporter les pertes de démarrage. Les lignes Toulon-Livourne, Sète-Baléares, Valence-Livourne, Boulogne-Folkestone ou bien Bayonne-Southampton ont été des expériences sans suite. La ligne Bayonne-Southampton a été arrêtée au bout d'un an seulement pour manque de trésorerie, au moment même où elle commençait à devenir rentable.

Les moyens financiers proposés dans le cadre de PACT restent très modestes. La Commission européenne a annoncé, à l'occasion de l'adoption du Livre Blanc sur la politique des transports à l'horizon 2010, le lancement d'un nouveau programme de soutien au lancement de lignes de transport maritime à courte distance. Ce futur programme soutiendra financièrement des projets visant à transférer des marchandises de la route vers la mer. La Commission souhaite développer de véritables "autoroutes de la mer" qui permettront à terme de décongestionner les axes routiers entre l'Espagne, la France et l'Italie et de trouver une solution durable au problème du franchissement des Alpes et des Pyrénées.

Le programme PACT arrivé à échéance fin décembre 2001 laisse la place à un nouveau programme européen intitulé MARCO POLO. Ce nouveau programme doit démarrer début 2003 et rester en place jusqu'en 2010.

MARCO POLO : le prochain programme européen

Il est prévu que le transport routier de marchandises augmente d'environ 5  % dans l'Union européenne d'ici à 2010. Le trafic transfrontalier devrait doubler d'ici 2020, cela représente une croissance d'environ 12 milliards de tonnes/kilomètres par an. Cette évolution se traduit par plus de congestion, de pollution et d'accidents.

Pour faire face à ces prévisions, la Commission européenne souhaite recourir plus intensivement et radicalement aux autres modes de transport que la route. Le programme Marco Polo est l'une des mesures pour atteindre cet objectif dans le secteur du transport international de marchandises.

Contrairement au PACT, Marco Polo pourra financer de manière plus importante tous les projets de transport modal alternatifs à la route que ce soit le transport fret en vrac ou le transport conventionnel. Il pourra également contribuer au transfert d'un volume de marchandises correspondant à la croissance prévue du fret routier international vers d'autres modes de transport, vers le rail, la navigation maritime à courte distance et la navigation intérieure.

Les initiatives françaises

En 2001, l'administration française s'est, elle aussi, mobilisée en faveur du développement du transport maritime à courte distance. Deux actions ont été menées : d'une part le gouvernement a demandé une notification d'aide au démarrage des lignes de cabotage à la Commission européenne et d'autre part, il a débloqué une aide financière en faveur d'un bureau de promotion du "short sea", le BP2S.

Une aide financière à la création de lignes de cabotage

Le dispositif d'aide à la création de lignes de transport maritime à courte distance prévoit la possibilité de financer à hauteur de 50 % des études de faisabilité et de prendre en charge pendant trois années consécutives 30 % des dépenses liées à l'exploitation d'une nouvelle ligne de cabotage.

Réflexion sur les "goulets d'étranglements"

Le 7 décembre 2001, à l'initiative de la France, un groupe de travail tripartite avec l'Espagne et l'Italie a été créé pour élaborer des propositions communes et lancer des initiatives destinées à promouvoir le cabotage maritime, en particulier pour répondre à la problématique du franchissement des zones sensibles que constituent les massifs alpins et pyrénéen.

Ce groupe de travail traite à la fois de résorption des goulets d'étranglement, de l'organisation de l'intermodalité, particulièrement avec le réseau ferré, de l'efficacité de la chaîne de transport, des simplifications administratives et du développement des aides publiques au cabotage.

Un bureau de promotion du short sea : le BP2S

La commission a vivement encouragé la création de bureaux de promotion du short sea dans toute l'Europe. La plupart des pays européens s'est déjà dotée de telles structures, parmi lesquelles la France, avec la création du "Bureau de Promotion du Short Sea" (BP2S).

Le "Bureau de Promotion du Short Sea" français a été créé en janvier 2000. Il réunit l'administration (la Direction du Transport Maritime, des Ports et du Littoral), plusieurs collectivités territoriales, les professionnels de la chaîne de transport (armateurs, chargeurs, transporteurs terrestres, agents maritimes, commissionnaires de transport) ainsi que les ports. Il constitue le maillon français du réseau européen des bureaux nationaux de promotion du transport maritime à courte distance.

Le BP2S a plusieurs missions :

  • Mettre à la disposition des pouvoirs publics (administrations centrales, collectivités locales) et des entreprises (fournisseurs de services de transport, chargeurs, opérateurs...) une plate-forme d'échanges et de réflexion sur les potentialités du transport maritime à courte distance au plan local, national et communautaire. Il tient à jour une base de données sur les services du Short Sea au départ ou à destination des ports français.
  • Identifier les gisements de frets transférables du mode routier vers des schémas de transport maritime ou multimodaux à chaînon maritime.
  • Améliorer les connaissances sur les conditions économiques de faisabilité de services maritimes, les obstacles et les solutions.
  • Informer les publics concernés des évolutions sur les environnements légal et réglementaire, économique, technique (veilles documentaires, enquêtes,...).

 


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