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Transport : perspectives 2030
Ce que pourrait devenir l'espace Manche
Auteurs : Frédérique Turbout, Pascal Buléon

 

Que sera l'espace Manche dans trente ans ? Il ne s’agit pas de prédire, au sens de dire assurément ce qui sera, mais d’apporter une vision, en portant le regard devant. Il s’agit d’agencer et de combiner tendances lourdes générales et signaux faibles, de dégager des spectres de situations possibles. L’espace Manche évoluera fort probablement dans un jeu dans les trente prochaines années entre mondialisation – technologies – environnement – acceptabilité sociale ; il s’inscrira dans ce jeu à un rythme intense et accéléré.

En matière de transport maritime, le grand passage mondial qu’est la Manche, continuera-t-il d’être dans cette position qui est, vue du monde, sa caractéristique essentielle ? C’est l’hypothèse la plus probable, presque assurée même. Pourtant d’autres routes maritimes qui n’existaient pas jusqu’alors vont ouvrir. Il est plus que probable que le « passage du Nord-Ouest » et ensuite le « passage du Nord-Est » ouvriront dans les prochaines décennies. Les nouvelles routes ne remettront pas en cause le passage majeur que constitue l’espace Manche. La multiplication des destinations, la sûreté relative du passage y concourent. Une autre interrogation concerne les flux, leurs origines et leurs destinations. L’évolution industrielle et commerciale internationale a conduit ces dernières décennies à amener à un très haut niveau les flux avec l’Asie, en particulier la Chine, véritable atelier du monde livrant à l’Europe produits manufacturés, finis ou en pièces détachées. Rien n’assure que cette situation demeurera dans trois décennies : la Chine sera-t-elle encore à ce point l’atelier du monde ? Les flux de produits manufacturés seront-ils d’ampleur comparable vers le marché européen en provenance d’Asie ?

 Transports maritimes et intermodalités

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 Source : F. Turbout, Regards sur l'Espace Manche, CAMIS, 2013.

Accélération du rythme d’évolution

L’un des éléments d’encadrement majeurs d’une réflexion prospective pour les trente années à venir sur le transport maritime et l’espace Manche est le rythme temporel. L’évolution de nos sociétés au cours du dernier siècle est marquée par une accélération considérable de phénomènes. Cette accélération résulte aussi bien d’une intention collective « d’aller plus vite », que de la dynamique cumulative des avancées scientifiques, technologiques, énergétiques, des systèmes techniques de plus en plus présents et complexes, de la convergence des technologies et de la généralisation de l’informatique. Cela concerne sans doute la quasi-totalité de nos activités, les transports sont touchés comme les autres, pas seulement dans le fait que le gain de temps est particulièrement recherché dans les transports, – que cette dimension de la vitesse y est plus visible, plus sensible qu’ailleurs –, mais parce que les évolutions des systèmes de transports se diffusent, se superposent et se succèdent plus rapidement également.

Cette accélération est à considérer de deux façons : premièrement, en se retournant sur les trente dernières années, on saisit à quel point le nombre et le rythme des évolutions concernant le transport maritime ont été importants. Deuxièmement, il importe d’avoir à l’esprit que quel que soit l’effort d’anticipation réalisé, une part des évolutions envisagées – une part seulement – viendra plus vite qu’imaginé. 

Une position stratégique

Au rythme temporel, il faut adjoindre pour penser le cadre d’évolution de l’espace Manche, son insertion dans l’espace international et dans les questions majeures des temps qui s’ouvrent. Son insertion géographique n’est pas seulement celle d’un positionnement, elle résulte aussi – et surtout peut-être s’agissant de transports maritimes – de relations.

Le positionnement, il est presque immuable à l’échelle temporelle de quelques générations, c’est celui de l’entrée nord-ouest de l’Europe, de la proximité des deux grandes métropoles Londres et Paris et des grands ports du Range Nord. Les relations sont celles de l’internationalisation accrue et des échanges intercontinentaux massifs. Les ports du Range Nord, l’espace Manche et, à une moindre mesure, les principaux ports de l’espace Manche, sont des lieux majeurs de la mondialisation des échanges. L’interrogation porte sur la forme de l’évolution de cette mondialisation des échanges et sur la place qu’y tiendra l’espace Manche. 

Globalisation, environnement, technologies…et acceptabilité sociale

Les ports, par essence même, sont des interfaces, leur nom le signifie. Ils mettent en relation leur hinterland, parfois très en profondeur, avec de nombreux espaces très lointains. Ils sont dans un triangle où interagissent aujourd’hui fortement les technologies (une très grande variété), les processus de mondialisation dont ils sont un support essentiel et qui en retour les façonnent sous de nouvelles formes, et l’environnement qui s’est trouvé impacté au cours des deux derniers siècles à un niveau jamais atteint.

Cet impact sur l’environnement, en retour, dans un certain nombre de pays, a suscité fortes préoccupations, mouvements d’opinion et mesures politiques. Globalisation-environnement-technologie forment un triangle fort de relations qui va continuer de peser dans les prochaines décennies. Triangle auquel il faut adjoindre l’acceptabilité sociale qui a commencé de jouer un rôle grandissant dans le dernier quart du XXe siècle et qui devrait, même avec des fluctuations, peser plus fortement encore dans les trente prochaines années.

Cette acceptabilité sociale jouera sur la situation environnementale, sur les normes et les règles, elle jouera aussi sur l’évolution des technologies, au sens où celle-ci répondra à ces nouvelles exigences et l’acceptabilité sociale participera au « tri », d’émergences, de généralisations de telle ou telle technologie. Ce jeu de relations vaut pour les ports, particulièrement d’Europe, plus particulièrement encore d’Europe du Nord et du Nord-Ouest. Il vaut aussi pour toute la mer de la Manche, c’est-à-dire l’espace Manche, mer et hinterland proche compris.

Regardé au prisme de ces facteurs si puissants, si amples, la mer de la Manche toute entière est saisie. Pour forcer le trait, elle n’est au regard de l’intensité des transports, de la mondialisation des échanges, que l’avant-port des grands ports, que le Channel qui y conduit. Sa dénomination anglaise trouve son accomplissement aujourd’hui.

L’espace Manche évoluera donc fort probablement dans un jeu dans les trente prochaines années entre mondialisation – technologies – environnement – acceptabilité sociale à un rythme intense et accéléré.

 

Grands facteurs d'influence sur l'économie et le transport maritime en Manche

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 Source : F. Turbout, Regards sur l'Espace Manche, CAMIS, 2013.

 

Un grand passage, toujours 

Le grand passage mondial qu’est la Manche, continuera-t-il d’être dans cette position qui est, vue du monde, sa caractéristique essentielle ? C’est l’hypothèse la plus probable, presque assurée même. Pourtant d’autres routes maritimes qui n’existaient pas jusqu’alors vont ouvrir. 

Il est plus que probable que le « passage du Nord-Ouest » et ensuite le « passage du Nord-Est » vont ouvrir dans les prochaines décennies. Ces passages sont encore auréolés des exploits des expéditions mythiques depuis trois siècles dans les mers et les immensités glacées du grand Nord. Leur ouverture, liée au réchauffement climatique leur fera perdre sans nul doute de cette dimension mythique et les inquiétudes environnementales prendront petit à petit le pas. Quoi qu’il en soit la route maritime s’ouvrira et de nouveaux itinéraires, plus courts, entre l’Europe, la Russie européenne et l’Asie, existeront. Ces nouvelles routes auront toujours des risques et contraintes plus fortes. Elles ne remettront pas en cause le passage majeur que constitue l’espace Manche. La multiplication des destinations, la sûreté relative du passage y concourent. 

La fonction d’itinéraire est une des dimensions du grand passage ; une autre interrogation concerne les flux, leurs origines et leurs destinations. L’évolution industrielle et commerciale internationale a conduit ces dernières décennies à amener à un très haut niveau les flux avec l’Asie, en particulier la Chine, véritable atelier du monde livrant à l’Europe produits manufacturés, finis ou en pièces détachées. Rien n’assure que cette situation demeurera dans trois décennies : la Chine sera-t-elle encore à ce point l’atelier du monde ? Les flux de produits manufacturés seront-ils d’ampleur comparable vers le marché européen en provenance d’Asie ? Cette question majeure de l’économie mondiale influe directement sur l’avenir du grand passage qu’est la mer de la Manche. 

La tendance majeure est actuellement toujours ce mouvement d’exportations de l’Asie vers l’Europe, se traduisant par une noria de porte-conteneurs chargés de plusieurs milliers de « boîtes », arrivant dans les ports d’Europe, commençant à décharger marginalement dans la Manche à Southampton et Le Havre, et poursuivant pour l’essentiel de la flotte vers le Range Nord ou plus loin en Baltique… et repartant pour la plupart à vide dans cette étonnante logique du moindre coût à court terme pour chaque armement. 

Ce mouvement subit bien sûr les contractions de la conjoncture internationale et l’on voit, ces années-ci, les échanges internes aux grandes zones Europe – Amérique du Nord – Asie croître plus que les échanges entre elles. Il n’est pas exclu que cette contre-tendance se développe, que la conjonction de l’élévation des coûts de production, de la perception des inconvénients à produire loin de son marché, de la montée des coûts de transports et de l’énergie, de la pression d’une opinion sur les questions d’emploi et d’environnement conduisent à des retours de production en Europe. Les ports, réfléchissant à leur avenir, n’excluent pas une stagnation des flux. 

Pour autant, ces tendances peuvent se combiner, une production industrielle reprendre en Europe, une répartition de la production de composants se modifier, le plus probable est une poursuite d’augmentation des flux Asie-Europe et d’autres parties du monde dont une grande partie par la mer de la Manche. 

La mer de la Manche va continuer d’être un des grands passages du monde, mais chacune de ses caractéristiques va s’infléchir et de nouvelles peuvent surgir. L’intensité du trafic ne va pas décroître et c’est donc aux inconvénients et aux risques de l’engorgement qu’il va falloir penser. Les formes du trafic vont changer. En conséquence, la fonction de transbordement, la fonction portuaire va continuer de changer. La chaîne de transport, d’un mode à l’autre, va changer également. Avec les changements de formes, de modalités de chacune des fonctions de transports vont probablement apparaître des relations différentes entre acteurs du transport maritime au sein de l’espace Manche. 

Sur la trame d’une poursuite des tendances majeures à l’œuvre aujourd’hui dans l’espace Manche, évoquons quelques-unes des variations fortes les plus probables. 

Renchérissement du coût de l’énergie et motorisation 

La raréfaction des énergies fossiles et le renchérissement du coût de l’énergie vont considérablement impacter le transport maritime. Presque paradoxalement, le transport maritime n’a pas connu des évolutions de motorisation aussi importantes que les autres moyens de transport. Le changement de motorisation est devant nous, y pousse également les exigences environnementales. Au-delà de la motorisation, il n’est pas impossible que la propulsion elle-même connaisse des évolutions. En effet, il faut relever que c’est dans le transport maritime que la propulsion et la motorisation ont le moins évolué dans le dernier demi siècle ; beaucoup moins que dans tous les autres modes de transport. On pourrait penser, pour cette raison même,  que des évolutions se feront jour dans les prochaines décennies. Les expérimentations actuelles pourraient trouver des relais dans les trois prochaines décennies pour se déployer à des horizons de temps plus lointains. 

En matière de motorisation, un premier pas est déjà franchi aujourd’hui : au 1er janvier 2015, l’ensemble des navires sur la Manche devrait être en mode gasoil ou passer au GPL en application de la réglementation européenne Marpol 6 imposant des zones d’émissions contrôlées de souffre (SECA) où la teneur en souffre des carburants utilisés par les navires ne devra pas dépasser 0,1 %. Cette modification ne fait qu’amorcer un mouvement plus ample. Les stimulations de la recherche de compétitivité d’une part et des réglementations environnementales d’autre part devraient pousser à une évolution de la motorisation. 

Cette question de la motorisation a des incidences sur la mer elle-même, sur son écosystème, sur la modification des risques liés au type de carburant. Elle a aussi des incidences sur les ports et les acteurs de la mer. 

L’impact du changement énergétique ne s’est pas encore vraiment fait sentir sur le transport maritime. C’est bien dans les prochaines décennies qu’il donnera sa pleine mesure. 

Massification et concentration 

La massification maritime est une des évolutions vraisemblables, portée à la fois par la recherche d’une plus grande efficience énergétique et d’une plus grande efficacité logistique. La recherche d’une productivité plus forte dans le transport maritime conduit à la massification, la massification pousse à l’utilisation de navire de plus en plus gros. Les 15 000 conteneurs ont été atteints. Certains font observer que la course au gigantisme qui a eu cours pour les pétroliers s’est arrêtée, que le même frein jouera pour les porte-conteneurs, d’autres font remarquer le fort coup d’arrêt que les crises successives depuis 2008 ont donné au développement des flottes. Rien de cela n’est une objection décisive à une tendance quasi assurée à la massification et possible à l’accroissement des tailles des navires.

 

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L’Ever Steady vers Rotterdam - © Guy Milledrogues, 2007.

 

Cela pourrait avoir les conséquences suivantes sur l’espace Manche, conséquences qui ne sont pas sans contradictions. La massification pousse à la concentration des outils industriels. La concentration des outils industriels pourrait encore accentuer la prééminence des ports du Range Nord. Cette concentration des grosses unités et des gros outils industriels pourrait pousser les feux d’une spécialisation des ports, du Range Nord à l’espace Manche d’une part, et d’autre part d’une spécialisation éclatement-distribution, short sea shipping, feedering et cabotage dans les ports de moyenne et petite tailles.

Dans le cours d’une telle tendance, des ports tels que Le Havre et Southampton pourraient-ils prendre un part plus importante d’un trafic international ? Pourraient-ils capter une petite part supplémentaire de ce grand trafic ? Les efforts de ces ports y tendent. Rien des grandes tendances ne s’y oppose fortement pour Le Havre, c’est plus compliqué pour Southampton qui n’est plus, tant dans le positionnement que dans l’appareil industriel, au même niveau d’atouts. La possibilité de capter une part de trafic lointain plus importante peut se combiner avec une autre possibilité : celle de prendre une place importante dans le short sea shipping et le feedering.

Feedering, short sea shipping, nouveau cabotage

La massification va se coupler avec l’éclatement et la distribution. D’un très grand port, vont partir après éclatement d’un très grand navire, des unités plus petites vers des ports de taille moyenne et de taille plus petite ou des ports se spécialisant avec des équipements spécifiques. Tous les ports de l’espace Manche devraient être concernés. Depuis le plus grand, Le Havre, qui pourra jouer à la fois le rôle de port d’éclatement lui-même et de redistribution des ports du Range Nord, jusqu’aux plus petits recevant du cabotage pour l’acheminement au plus proche de leur hinterland. La logique propre du transport maritime, renforcée par l’engorgement croissant des itinéraires terrestres, le relèvement des coûts – encore très bas et loin du coût de revient global – du transport terrestre, ainsi que les orientations transports que semblent prendre tant l’Europe que les pays du continent poussent en ce sens.

Le short sea shipping, nouveau cabotage, n’a pas encore trouvé sa nouvelle place, son modèle économique est encore faible, battu en brèche par d’autres logiques qui, si elles ont de graves inconvénients, ont pour elles des facilités économiques à court terme. Le transport routier et ses coûts en est un des exemples les plus marquants. Le nouveau cabotage devrait trouver une meilleure place dans les prochaines décennies, plusieurs bassins maritimes européens devraient en être le terrain. L’espace Manche, et une grande partie de ses ports, devrait le voir se développer. Cela signifierait pour beaucoup de ports une reprise d’activités.

Des porte-conteneurs encore plus grands, quelles conséquences ?

Mentionnée comme conséquence des processus de massification, l’évolution de la taille des navires et des porte-conteneurs en particulier vaut d’être reprise pour elle-même car elle s’annonce comme un des traits spectaculaires des prochaines décennies. Les trois dernières n’ont pas manqué de spectaculaire : les pétroliers ont connu leur course au gigantisme qui a marqué le pas, les conteneurs se sont imposés comme le standard de transport de marchandises et ont supplanté le vrac, la taille des navires de tous ordres a considérablement augmenté.

Les toutes dernières années ont vu lancer sur la route Asie-Europe des porte-conteneurs approchant les 400 mètres de long avec une capacité de 15 500 EVP. De ces navires appelés Post-Panamax ou Overpanamax, les plus gros en service sont ceux de type Emma Mærsk, d’une capacité de 15 500 EVP (équivalent 20 pieds) pour un tonnage (tjb) de plus de 150 000 tjb, ils mesurent près de 400 mètres de long (soit presque quatre terrains de football bout à bout) avec un tirant d’eau de 16 mètres. Les chantiers ont joué sur de nombreux paramètres, la largeur bien sûr, des tirants d’eau jusqu’à 17 mètres et plus et des largeurs de plus en plus importantes.

 

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Déchargement du Mol Pace - © Guy Milledrogues, 2007.

 

Pour traiter ces navires, les installations portuaires ont changé elles aussi, des portiques de capacités plus fortes, une introduction massive de l’électronique et de la robotique, comme dans beaucoup de secteurs industriels. En de nombreux sites dans le monde s’est poursuivie une évolution séculaire : de l’intérieur des villes et des fleuves, de leurs sites initiaux, les installations portuaires glissent toujours plus loin vers la mer, dans la mer même pour que les grandes tailles aient leurs aires. On voit déjà une étape supplémentaire se profiler : de gigantesques plateformes de transbordement permettant à la fois très grandes tailles et rotation très rapide des navires se développent en mer, à proximité, mais pas directement sur le littoral. Les îles de Yangshan qui constituent le nouveau développement du port de Shanghai (Chine) en sont un des exemples les plus avancés. Au large de Shanghai, l'archipel de Yangshan a été le support d'ancrage de quais et d'installations de traitement de containers. Ouvertes en 2005, elles disposent en 2012 de 3 km de quais et 54 grues ; Elles sont prévues atteindre 52 portiques, 32 km2, et 22 km de quai. Un pont de 32 km relie Yangshan à la ville nouvelle de Lingang, près de Shangaï.

Aussi, rapprochant ces deux tendances, quel peut être leur impact sur l’espace Manche ? La mer de la Manche est une mer peu profonde à partir d’une verticale Le Havre-Southampton, elle l’est particulièrement peu dans le détroit : 30 mètres en moyenne, quelques zones à 12 mètres, avec des bancs de hauts-fonds changeants. Circulation déjà malaisée qui requiert toute l’attention des hommes de passerelles.

L’augmentation des tirants d’eau au-delà des 20 mètres poserait des problèmes au passage du détroit. Il n’est guère concevable que les puissants opérateurs du Range Nord laissent affaiblir leur position, aussi une combinaison de solutions peut voir le jour dans le grand passage maritime de l’espace Manche : la poursuite de l’accroissement des tailles jusqu’au point limite de tirant d’eau, la poursuite du développement de plateformes externes à proximité immédiate des ports actuels. C’est ce qui se réalise pour tous les grands ports. Peuvent apparaître également, prolongeant cette tendance, des plateformes de transbordement plus au large, permettant de minimiser les contraintes des ports. Serait-il concevable alors qu’une ou plusieurs plateformes soient installées en Manche à l’ouest du détroit ? Une plateforme de nouveau type en mer pour de très grands navires, base d’éclatement vers les ports actuels ? En ce cas, les opérateurs du Range Nord ne pourraient être que très présents, quelle gouvernance de tels dispositifs pourrait naître ? Quelle combinaison de politique maritime européenne, d’entités portuaires, d’opérateurs et d’armateurs ?

Des dispositifs inspirés par le contrôle aérien

La très forte occupation de la mer de la Manche est patente : au grand trafic Europe-Monde et au trafic intra-européen sur l’axe est-ouest s’ajoute le trafic Îles Britanniques-Continent, avec un maximum de densité dans le détroit ainsi que le trafic de plaisance et de pêche. L’intensification générale est la tendance la plus plausible pour les prochaines décennies.

On a vu dans les trente dernières années se mettre en place des dispositifs de plus en plus précis de régulation, de sécurité, de contrôle de ce trafic. La mise au point du dispositif de séparation du trafic en un rail montant et un rail descendant ne date que des années 1960-1970. Auparavant, « les capitaines  des navires s'engouffrant en Manche, vent arrière, toutes voiles dehors, rentrant au pays» dont Conrad écrivait la geste, avaient seuls le choix de leurs itinéraires et de leurs décisions ; même avec des changements, cette responsabilité et cette autonomie de décision du seul maitre à bord ont duré jusqu’aux dernières années du XXe siècle. Jusque dans les années 1990, les radars ne suivaient pas les bateaux de l’entrée de la Manche au détroit, ils ne les prenaient en charge que sur certaines parties. La multiplication des accidents depuis les années 1960 et particulièrement le naufrage de l’Amoco Cadiz en mars 1978, a progressivement conduit à une organisation du trafic, à des dispositifs de surveillance et de sécurité de plus en plus serrés et efficaces.

Il est indéniable qu’une tendance consistant à emprunter au contrôle aérien est déjà à l’œuvre dans ce grand couloir maritime. Elle devrait se poursuivre dans les prochaines décennies. La prise en charge par un contrôle – où les technologies de l’information joueront un rôle majeur – à l’entrée de la Manche, le suivi de bout en bout, l’astreinte à des règles plus fortes concernant la sécurité, sont vraisemblablement les grands traits du contrôle maritime de la Manche en 2030. Beaucoup de segments sont déjà en place, ils évolueront probablement vers un système plus intégré. Les coopérations qui se sont développées entre les deux États, français et britannique, donneront naissance à des dispositifs encore plus interopérables, au maillage plus fin, à la réactivité plus forte. Cela se fera sans doute par à-coups, avec des pauses voire même des reculs, mais progressivement un système intégré, adaptant les techniques et méthodes du contrôle aérien, gèrera le trafic de la mer de la Manche. Ce sera très probablement un des couloirs maritimes au contrôle le plus élaboré dans le monde.

Une intensification des activités sur et sous la mer poussera à un zonage accentué

L’intensification du trafic maritime va de pair avec une intensification des autres activités en mer de la Manche. En mer, signifiera sur la mer mais également sous la mer. Des signes précurseurs bien affirmés sont déjà là, des activités en dessous du niveau de l’eau se développeront : l’exploitation des fonds, des cultures marines et de la production d’énergie.

Sur la mer elle-même, outre l’intense trafic dans plusieurs directions, les activités de pêche même confrontées à des difficultés seront toujours là et la plaisance sera très présente. Rappelons à cet effet qu’il y a plus de 1,3 million d’immatriculations de bateaux de plaisance dans l’espace Manche, ce qui en fait depuis longtemps un des bassins de plaisance les plus importants au monde.

Les accidents du trafic maritime ont conduit au cours de la dernière génération à mettre en place des dispositifs, une réglementation et une organisation de l’espace maritime. Les rails, le dispositif de séparation du trafic sont les plus spectaculaires et les plus importants.

La superposition des activités et des usages en bordure des côtes a conduit également à systématiser des pratiques, à les réguler, à spécifier des passages et des espaces. La sécurité des personnes, puis la protection de milieux, en ont été les principales motivations. Il est assez probable que l’intensification du trafic, le développement de toutes les activités sur la mer, sous la mer, en bordure de littoral vont conduire à un zonage d’activités à un niveau assez important, zonage dont la sécurité, la spécialisation technique et la protection environnementale seront les principaux moteurs.

Dans le zonage, les couloirs de transport, les parcs de production d’énergie, parcs éoliens, parcs hydroliens, les parcs d’élevage aquacole, de culture d’algues, les réserves protégées, les zones d’exploitation du fond joueront les principaux rôles en mer.

En bordure, aux prolongements des zonages en mer viendront s’ajouter les zones de culture sur l’estran, d’activités ludiques, zones d’activités économiques, coexistant avec les zones protégées.

Beaucoup de ces zones existent aujourd’hui, elles seront étendues, intensifiées et le zonage plus intégré et systématique. La superposition des activités y pousse, elle continuera d’être difficile à gérer. Le zonage est une des réponses institutionnelles à cette cohabitation nécessaire et parfois difficile et à la difficulté de gestion. C’est une réponse rodée sur d’autres terrains que les diverses institutions depuis l’Europe jusqu’aux communes connaissent bien dans son mécanisme. Il est plus que probable que dans des zones maritimes aux activités denses, et donc presque en premier lieu, l’espace Manche, le zonage se systématise. Les travaux dits GIZC, soit Gestion Intégrée des Zones Côtières, devraient être développés et étendus à l’espace Manche tout entier, et à la mer en son milieu.

Intermodalité

Par la mer de la Manche arrivent des marchandises du monde entier. Par les ports, et au premier rang, par ceux du Range Nord, ces marchandises sont acheminées dans l’intérieur du continent et de Grande-Bretagne. Plus précisément, à partir des ports, d’autres réseaux de transport prennent le relais du transport maritime. Les marchandises, principalement en conteneurs, empruntent les réseaux routiers, les réseaux ferrés et les réseaux fluviaux.

Le grand problème de notre époque est de manière générale la très grande part prise par le transport routier, porté par sa souplesse, sa rapidité et son coût pour les chargeurs. Ce problème international vaut pour l’Europe quelles qu’en soient les variations locales. L’engorgement routier guette chaque année un peu plus les grands axes de transport et le bilan environnemental n’est pas bon. Depuis un certain nombre d’années, des réflexions, des actions, des bribes de politiques ont été mises en place pour favoriser un transfert modal du fret et l’intermodalité.

Les freins, les résistances au transfert modal et à une intermodalité mieux organisée ne sont pas négligeables et il y a toute raison de penser que, d’une part ces freins vont continuer de s’exercer et que, d’autre part en dépit de ces freins, une tendance plus forte devrait pousser à un transfert modal plus important et une intermodalité plus organisée, sans doute appuyée sur des infrastructures dédiées plus puissantes. Trois ressorts devraient œuvrer en ce sens, l’opinion publique et à terme son intériorisation par des politiques, quelques politiques volontaristes et la rentabilité générée par l’intermodalité.

Des études menées par plusieurs organismes et reprises par l’agence gouvernementale anglaise SEEDA (avant sa disparition) dans une étude pour le programme CAMIS établissent une tendance nette pour le fret ferroviaire des ports : une forte croissance à l’horizon 2030. Les pourcentages peuvent varier, les études estiment une multiplication par quatre des flux portuaires non vrac, la tendance sera très vraisemblablement celle-ci. La progression sera facilitée par la faible part réalisée aujourd’hui par le rail, plus encore du côté anglais que sur le continent. L’étude fait état de fourchette de taux de croissance de fret ferré anglais pour les biens de consommation de 60 % à 300 % entre 2007 et 2030 et de 200 % à 1 200 % pour les biens de consommation produits dans le pays. Elle souligne l’augmentation de trafic dans les ports conteneurs les plus importants, Southampton du côté anglais.

Nous pourrions donc voir trois tendances se combiner : une croissance tendancielle du trafic conteneur international, une proportion au moins égale à la proportion actuelle, délivrée dans les ports de l’espace Manche ; un développement du feedering à partir des ports du Range Nord vers l’espace Manche et l’Angleterre et à partir de quelques ports de l’espace Manche, Le Havre, Southampton, et peut-être Cherbourg , ainsi qu’une diffusion dans les hinterlands avec une part accrue du fer et des voies navigables.

Pour illustrer le jeu de freins/avancées qui marquera cette progression du transfert modal, relevons quelques traits de l’évolution contemporaine des ports du Havre et de Southampton.

Un grand opérateur de transport français allié à un opérateur de la grande distribution a mis au point une chaîne de transbordement, d’éclatement, de conteneurs par péniches fluviomaritimes, pouvant aller en mer et sur les fleuves. Du port du Havre, les conteneurs sont traités à quelque distance sur l’autre rive à Honfleur, puis remontent la Seine jusqu’aux ports de Rouen et de Paris, il est même envisagé une desserte interne à Paris intramuros. Les volumes envisagés sont substantiels, on peut penser que cette modalité qui allie des éléments très connus et des articulations nouvelles se renforcera et sera suivie d’autres innovations de ce type.

À l’inverse, dans la discussion sur la nouvelle ligne SNCF Paris-Normandie, – un dossier complexe avec de multiples aspects –, en dépit d’assurances rapidement écrites, le rôle du fret sur cette nouvelle ligne n’apparaît pas comme une priorité stratégique. Il est mentionné mais il n’apparaît pas pour ce qu’il devrait être pour le port majeur français situé sur le couloir maritime le plus important du monde. Le fret n’apparaît qu’accessoire pour une ligne centrée sur le trafic voyageurs. La liaison voyageurs de la Normandie – toute la Normandie – à Paris est aussi un objectif stratégique, il ne devrait pas pour autant faire oublier l’enjeu du fret. L’enjeu du fret est sur deux directions : Le Havre-Paris et le Havre vers Tours et la Péninsule Ibérique. Seule la première est considérée pour le fret dans le projet. Les enjeux stratégiques sont sur ces deux directions à l’horizon des prochaines décennies.

Le principal port de Paris est aujourd’hui… Amsterdam. Les ports du Range Nord, par la puissance de leurs opérateurs, l’efficacité de leurs politiques de développement sont devenus les premiers ports du bassin économique parisien. Il y a sans nul doute la nécessité d’un repositionnement du Havre. Ce n’est pas seulement un enjeu français, c’est un enjeu de politique européenne : le barreau Ouest permettrait de lier Benelux et péninsule Ibérique autrement que par le couloir rhodanien, déjà très congestionné, l’autoroute des Estuaires et l’autoroute de Calais à Bayonne. Le barreau Est par le fer est incomplet : il manque un maillon Normandie de bon niveau. Ce maillon est le même que le débouché du port du Havre. Le débouché fret par l’Hinterland dans une perspective de transport modal passe par la Seine en fluvial, le fer vers Paris et ses plateformes… et un barreau Ouest vers Tours et la péninsule Ibérique. Ce maillon n’est pas conçu aujourd’hui comme une priorité stratégique. Il en est de même du côté anglais au débouché de Southampton. Ce sont ces jeux de freins/avancées qui caractériseront dans les prochaines décennies le transfert modal nécessaire mais qui se trouvera retardé.

Rôle grandissant de l’acceptabilité sociale

L’acceptabilité sociale a pris une importance grandissante dans une partie de l’évolution de nos sociétés. Cela s’est fait à la mesure de la puissance technique sans cesse accrue depuis le XIXe, de l’empreinte sur le milieu, la nature et l’humanité elle-même que les systèmes économiques et sociaux y ont imprimée ; à la mesure également des désastres et accidents qui se sont produits, qui ont coexisté avec l’amélioration que les nouveaux systèmes techniques et organisation de production et de distribution ont introduite.

À côté des accidents et catastrophes, la croissance de la population, des densités d’occupation, la multiplication des activités industrielles, la croissance exponentielle des transports et de leurs infrastructures ont amené dans les pays où la démocratie et les niveaux d’éducation le permettent à des réactions des populations. Ces réactions ont pris les formes les plus diverses, allant d’une sensibilité, une préoccupation à des mobilisations importantes ou l’expression dans le champ politique.

La préoccupation environnementale, sous ses formes aussi les plus diverses, se conjuguent dans les cas de nouvelles implantations d’infrastructures, à des réactions de type NIMBY, Not In My BackYard de la part de fractions importantes de populations. L’infrastructure n’est pas discutée en tant que telle, sa localisation l’est par contre vivement par ceux qui en seraient proche. Nombre de projets d’infrastructures, en particulier de transports et d’énergie font l’objet de vives réactions de la société qui conduisent à des inflexions ou des modifications substantielles des activités.

La chaîne de réaction et d’interaction est beaucoup plus complexe qu’une simple opposition entre un projet, des opposants et un résultat de poursuite ou de non réalisation. Dans le vocable d’acceptation sociale, il y a des choses bien différentes. Mentionnons trois processus et situation qui n’épuisent pas la variété mais l’illustrent et que l’on retrouve sur la question du transport.

La puissance technique et organisationnelle de la plupart des sociétés du monde a atteint dans les XIXe et XXe siècles une puissance telle qu’elle peut intervenir très fortement, parfois très violemment, sur l’environnement et sur les humains eux-mêmes. Les risques, les échecs ou les catastrophes, ont nourri une large interrogation dans les opinions publiques. L’élévation du niveau d’instruction et de connaissances des populations, l’expression démocratique plus ou moins développée selon les pays, la globalisation de l’information ont conduit à ouvrir des débats et des confrontations à l’échelle d’État, de continent ou à l’échelle diffuse de la planète. Ce sont des choix, des orientations qui sont l’enjeu de batailles ; ils portent sur des questions globales et se fixent parfois en un lieu où le sujet fait abcès. C’est le cas de la déforestation, du réchauffement, du nucléaire, de rejets industriels toxiques, des OGM, des brevets du vivant, etc. C’est un premier processus où aux batailles des groupes d’intérêts, d’organisations professionnelles, militantes, succèdent les arbitrages politiques, juridiques et réglementaires.

Un deuxième processus est à l’autre extrémité de l’échelle spatiale ; quand le premier est d’ampleur internationale, parfois planétaire, le deuxième est très localisé. C’est la réaction NIMBY, mentionnée précédemment. Dans des espaces de plus en plus occupés par l’homme ou dont la non occupation acquiert justement un sens : patrimoine environnemental, esthétique du lieu ou des paysages en général, des groupes d’habitants ou de populations qui accordent une importance au maintien de ces lieux en l’état s’opposent à une implantation. Tout le spectre des possibilités existent : depuis une implantation très importante et destructrice où la dimension collective, société dépasse largement les réactions locales jusqu’à une implantation d’intérêt collectif, avec impact local, qui suscitent uniquement une réaction d’individualismes additionnés. Les secondes sont considérablement augmentées dans les sociétés occidentales nourries par les évolutions sociétales plus générales de ces sociétés.

Un troisième processus se situe dans un autre champ qui n’est pas celui du politique, mais celui du marché. L’attitude des acheteurs, de différents degrés tant des entreprises, des professionnels que des consommateurs finals s’est imprégnée de ce bain d’idées général qui structure les opinions et les choix collectifs. Au fil des décennies des questions environnementales sont devenues aussi bien des éléments de choix d’acheteurs que des arguments de vente pour des biens et des services. Devenant un facteur commercial, des motivations d’acceptation sociale deviennent des éléments de stratégie de développement économique et commercial pour des groupes économiques.

De ces trois processus, l’espace Manche en a déjà et en vit déjà la réalisation. Ainsi l’industrie nucléaire a fait l’objet de très importants débats et mobilisation des deux côtés de la Manche, l’implantation d’énergies alternatives, telles que les éoliennes aussi, l’implantation d’infrastructures de transport d’énergie, ligne THT par exemple également. On peut mentionner encore les questions de rejets en mer, au large, par les fleuves ou sur le littoral, d’extraction de granulats, d’implantations de structure sur la bande littorale, etc.

Du deuxième processus, de très nombreuses situations, extrayons-en deux concernant les transports : l’extension du port de Southampton et son débouché sur l’hinterland, Dibden Bay, a été annulé, et en 2011, un point d’arrivée dans le port de Caen d’une liaison conteneurs Le Havre-Caen a été annulé par la pression d’habitants de communes proches.

Du troisième, beaucoup plus récent et plus ténu, mentionnons un acteur de la grande distribution d’articles de sport français qui, s’il fait fabriquer ses pièces détachées hors de France, a décidé d’assembler sur place à la fois pour des raisons de contrôle qualité et pour répondre à une attente de circuit de transport plus courts de sa clientèle.

Ces processus, et d’autres formes d’expression de l’acceptation sociale, ont toutes raisons de continuer de s’affirmer dans les prochaines décennies à une échelle globale et plus encore en Europe. Aussi l’espace Manche, dans sa double dimension de grand couloir maritime international et de petite mer franco-anglaise, le vivra encore plus.

L’acceptation sociale va accentuer sa pression sur les conditions de transports, sur la stratégie des acteurs économiques et des aménageurs.

L’espace Manche, au cours des trente prochaines années va demeurer un des grands passages maritimes du monde, en même temps que la multiplication des usages de la mer, sur la mer, sous la mer et sur le littoral va se poursuivre.

L’ensemble des évolutions du transport maritime, depuis la massification, la taille, la motorisation, la modification de la chaîne de transport et des flux, la montée en puissance de nouveaux segments, tels le short sea shipping et le feedering vont progressivement modifier son fonctionnement, celui de ses ports et de leurs rapports aux hinterlands.

L'espace Manche peut, dans ces évolutions, prendre différentes inflexions. Accroître sa fonction couloir en direction de l'Est et voir l'activité de son pourtour se rétracter, perdre de son importance dans le trafic international au profit d'autres itinéraires et destinations, intensifier au contraire son rôle et ajouter à celui de couloir, celui de plaque de feedering sous diverses formes. Toutes ces inflexions sont possibles avec des degrés de probabilité divers et une place différente de l'action volontariste qu'elle soit politique ou économique.

L’acceptation sociale et ses traductions politiques, réglementaires, mais également son impact sur les stratégies commerciales de différents acteurs vont puissamment peser de leur côté.

Le développement beaucoup plus rapide qu'il ne pouvait apparaître il y a cinq ans de la production d'énergie à partir de la mer, éoliennes et hydroliennes en premier lieu, fait entrer de nouveaux usages et des acteurs industriels puissants. Il est spectaculaire de voir à quel point les initiatives de la puissance publique, de l'État ont joué un rôle incitateur, déclencheur et d'organisation dans le développement des énergies marines. Cela donne la mesure de l'importance de la vision politique au sens large et de sa capacité à peser sur des domaines économiques que l'on dit trop souvent à tort hors de portée des politiques et des États.

L’espace Manche sera dans les trente prochaines années un espace de forte intensité de ces interactions. Les grandes évolutions du transport maritime international s'y déploieront nécessairement, elles s'imbriqueront avec les besoins, les exigences et les contraintes des nombreux autres usages de la mer de la Manche. Il apparaît évident qu'une régulation à l'échelle de l'ensemble de l'espace Manche, impliquant tous les niveaux politiques et de citoyenneté, de l'Union européenne, au local, en passant par les États et les Régions peut seule concilier ces nombreuses logiques, et jouera un rôle fort dans ce que sera l'Espace Manche dans une génération. 


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