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Vieillissement Le vieillissement de la population est une réalité observée depuis nombre d'années dans les départements, comtés et Unitary authorities de l'espace Manche. Dans de nombreuses communes ou à l'échelle de leur équivalent britannique, la proportion des plus âgés dépasse celle des plus jeunes. La configuration même de la zone qui fait s'opposer deux littoraux particulièrement attractifs, dont le sud anglais, fait de cet espace transfrontalier maritime une zone de concentration du vieillissement de la population. À cela s'ajoutent des comportements démographiques qui ont évolué au fil du temps vers une baisse de la natalité et un allongement de la durée de vie, des arrivées massives à l'âge de la retraite des enfants du baby-boom et un cadre de vie particulièrement attractif pour de nouveaux et jeunes retraités. Tous ces éléments concourent à renforcer le vieillissement démographique. Pourtant, une étude à grande échelle peut permettre de révéler des caractéristiques propres à cet espace Manche, des espaces en marge ou à l'inverse de fortes concentrations. Une lecture cartographique des indicateurs propres à l'analyse du vieillissement peut permettre d'affiner l'analyse de ces territoires. 1. Des aires urbaines jeunesC'est là une caractéristique propre aux aires urbaines, elles sont des pôles de concentration des classes d'âges jeunes, moins de 20 ans. Ces classes d'âges sont particulièrement nombreuses en périphérie des aires urbaines, dont celles de Londres, Southampton, Bristol, Portsmouth ou Exeter en Angleterre. Côté anglais toujours, les jeunes se concentrent surtout dans le South East, alors que la région voisine du South West, dont les comtés du Devon, du Dorset ou de Cornwall enregistrent des proportions de moins de 20 ans souvent inférieures à 20 % de la population totale.
En France, le phénomène est identique, les fortes proportions se rencontrent dans les aires urbaines ou dans leurs proches périphéries. Paris, Rennes, Caen, Rouen, Lille, Amiens ressortent nettement. À l'inverse, le centre Bretagne, le sud de la Manche, l'Orne ou les littoraux comme ceux du sud anglais, la fameuse « Costa Geriatrica » affichent des proportions de jeunes inférieures à 20 % de la population totale. Dans ces espaces, un habitant sur cinq seulement à moins de 20 ans. Cette géographie des jeunes est le résultat combiné de plusieurs phénomènes :
Plus dynamique économiquement, les aires urbaines le sont aussi démographiquement. L'effet de nombre joue à plein, les fortes concentrations de population concourant à créer plus de richesses, plus d'opportunités économiques, mais également plus de naissances. À l'inverse, les territoires vieillissants sont avant tout des « marges ». Ils peuvent être peu densément peuplés, où très « typés » et liés à des paysages ou des cadres de vie spécifiques. Le vieillissement revêt généralement deux formes : structurel, il est alors dû à un vieillissement né des déséquilibres démographiques entre jeunes et plus âgés, les jeunes quittant ces espaces vieillissants et accentuant ainsi les écarts entre classes d'âges. Il peut être également le fruit de déplacements de population telles que les migrations de retraités qui constituent des apports extérieurs de population âgée venant accentuer le vieillissement des territoires. 2. Le littoral et le rural, plus vieillissantEn négatif de cette géographie des plus jeunes, la répartition des personnes âgées se concentre dans les zones rurales reculées ou le long des littoraux. En France, les concentrations les plus importantes se situent dans l'est de l'Orne, le Perche dans le centre, les collines des Monts d'Arrée en Bretagne, la baie de Somme et plus généralement les communes littorales.
Côté anglais, les types de localisation sont identiques. Les littoraux du sud anglais concentrent 40 % de population âgée dans bien des cas. L'île de Wight, les stations balnéaires de Brighton (46,6 %), Lymington (53,2 %) dans le Hampshire, ou bien encore le littoral de Weymouth à Salcombe en passant par Dartmouth ou Lyme Regis et Bognor Regis (43,4 %). Dans les comtés du Somerset ou du nord Devon, un pôle vieillissant émerge. Il correspond aux MOAs couvrant le Parc Naturel d'Exmoor. Sans surprise, la cartographie des indices de vieillissement à l'échelle des communes et MOAs confirme ces grandes tendances observées précédemment. Les littoraux concentrent des indices très supérieurs à 100, la part des plus âgés dépassant celle des plus jeunes. Le phénomène est nettement plus avancé dans le sud anglais que côté français de l'espace Manche. Hormis dans et autour des grandes aires urbaines et dans quelques unités spatiales éparpillées sur le territoire, partout les indices de vieillissement dépassent le seuil de 100. Le South West apparaît de fait nettement plus vieilli que le South East sous influence directe du Grand Londres.
En France, les indices les plus élevés se concentrent sur les littoraux confirmant un phénomène que nous observons depuis deux décennies dans cet espace Manche. Et tout comme en Angleterre, les grandes aires urbaines, les agglomérations régionales se détachent nettement de même que quelques communes situées à proximité d'une grande agglomération, ou d'un pôle économique majeur (Nord Cotentin, Brest et alentours ou périphérie rennaise). Enfin, les indices de dépendance les plus élevés concernent les zones observées précédemment, à savoir, principalement les littoraux : la population âgée y est concentrée, les migrants retraités viennent s'y installer en nombre et les classes d'âges actifs ainsi que les jeunes délaissent ces lieux de vie. Ce tropisme littoral est une marque forte de la répartition du vieillissement dans l'espace Manche. La cartographie à grande échelle permet d'en mesurer l'exacte réalité en dessinant un liseré vieillissant quasi continu du littoral transmanche. Hormis cette frange littorale qui affiche de très nets signes de vieillissement, certaines zones rurales reculées présentent des caractères démographiquement analogues. Côté français, le sud-est de l'Orne, le sud du département voisin de la Manche, autour de Villedieu-les-Poëles et Saint-Hilaire-du-Harcouët, dans le centre Bretagne et la région des Monts d'Arrée ou de Rostrenen et de Mur-de-Bretagne, les indices de vieillissement sont supérieurs à 150.
Côté anglais, la campagne au nord d'Oxford, autour de Salisbury ou de Glastonbury affiche également des indices de vieillissement dépassant 150. Cette situation est due principalement à une surreprésentation de la classe d'âge des plus de 65 ans qui dépasse largement celle des plus jeunes âgés de moins de 20 ans. Ces derniers sont moins nombreux et donc pèsent moins dans le rapport jeunes/âgés. Les faibles effectifs de jeunes s'expliquent par des départs nombreux vers les grandes unités urbaines proches, pour leurs études ou pour un emploi. Ce phénomène de vieillissement est lié à la désertification de ces zones rurales, moins attractives en termes d'emploi. L'analyse à grande échelle de ces territoires transmanche confirme des tendances lourdes observées depuis vingt ans dans la zone : au vieillissement des littoraux et de certaines zones rurales s'opposent des pôles urbains attractifs et dynamiques démographiquement. Cet antagonisme rural/urbain est une fois de plus saillant. De même, l'antinomie nord-sud qui fait se juxtaposer une Côte d'Azur anglaise aux côtes ouest françaises illustre ce tropisme littoral des plus âgées, et des retraités. Le paysage a évolué, non pas en termes de topographie stricto sensu, mais bien dans l'intensité des faits. De part et d'autre de la Manche, le vieillissement des territoires s'est accentué. Dans ce contexte, peut-on encore seulement parler de « Costa geriatrica » uniquement anglaise ou doit-on privilégier une domination plus globale qui couvrirait l'ensemble de la zone transmanche ? Ce qui faisait figure d'exception hier tend à devenir la norme aujourd'hui, la lecture du vieillissement à l'échelle d'unités spatiales de petites tailles vient conforter cette observation. Haut |