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Traversées irrégulières : La Manche, une nouvelle Méditerranée ?
Auteur : Frédérique Turbout

Depuis plusieurs semaines, la mer de la Manche devient le théâtre de drames humains consécutifs à une croissance spectaculaire des traversées de migrants sur de frêles embarcations. Comme nous le verrons, les interventions des CROSS sont quotidiennes et cherchent à sauver de la noyade des migrants prêts à tout pour gagner « l'eldorado britannique » et l’autre rive.

Les pouvoirs publics locaux alertent, les ONG tirent la sonnette d’alarme, l’État français tente de prendre des mesures, conscient depuis de nombreuses années du problème, mais tous semblent impuissants face aux désirs de passer outre-manche de migrants jeunes et plus âgés.

Une météo plus clémente et un contexte de renforcement des contrôles policiers et douaniers suite au Brexit ont conduit à une amplification du phénomène via l’utilisation de ce que l’on nomme « small boats », embarcation légère surchargée de passagers de tous âges ayant payé leurs passages au prix fort à des passeurs issus de réseaux mafieux.

Dans ces conditions, il paraît indispensable de revenir sur ces flux, chaque jour plus nombreux, de rendre compte de leur réalité numérique et des problèmes engendrés par ces nouveaux flux migratoires. Face à l'amplification de ce phénomène, les tensions entre France et Royaume-Uni sont bien réelles et s’expliquent par une législation migratoire particulière à l’espace Manche sur laquelle nous reviendrons. Enfin, la question du Brexit et de son impact sur la situation actuelle fera l’objet d’une attention particulière incluant la dimension de dangerosité de cet espace maritime et les évolutions possibles à court terme. 

1. Small boats versus ferries : nouvelles pratiques et nouvelles routes migratoires 

Depuis plus de 20 ans, la question des migrations irrégulières alimente les problématiques de cet espace transmanche. À quelques 30 kilomètres des côtes françaises, le Royaume-Uni est un espace rêvé, souvent idéalisé, pour de nombreux migrants venant essentiellement du Moyen-Orient et de l’Afrique de l’Est.

Arrivés en Europe par la route, en ayant souvent franchi la Méditerranée à leurs risques et périls, ils tentent de rejoindre l’Angleterre. Jusqu’à récemment, ces migrants tentaient de franchir illégalement la frontière maritime à bord de camions et de ferries empruntant le Tunnel ou les liaisons maritimes régulières. Ils cherchaient à s’introduire dans les remorques de ces camions en bravant tous les dangers. Peu y parvenaient mais les candidats étaient toujours plus nombreux au point de venir s’entasser dans les points de passage que sont les ports transmanche. Longtemps également, ces flux  se sont concentrés dans le nord de la France, et plus particulièrement à Calais et Dunkerque, portes d’entrée vers le Royaume-Uni.

Comme le souligne Pierre-Henri Dumont, député de la Région Hauts-de-France et rapporteur d’un récent rapport sur la question1, le Calaisis a payé un très lourd tribu face à cette situation. Le camp de Sangatte fermé en 2002 a longtemps fait figure de camp de la honte et à véhiculé une image très négative de la région. Les trois « jungles » qui lui ont succédé, démantelées et reconstruites quasi-immédiatement entre 2009 et 2016, illustrent la détresse de ces hommes et femmes, candidats à la traversée, et l’impact négatif en terme d’image, mais aussi en termes économique et social pour la région et le Calaisis.

Ces migrants vivent dans une extrême précarité, sans eau courante, avec très peu ou pas de ressources financières ; ils sont au bout de leur route, arrêtés dans leur périple par cette « frontière maritime », ce couloir de la Manche particulièrement dangereux.

Les violences quotidiennes à l’intérieur de ces jungles, tant sur les adultes que sur les mineurs, en font des zones de non-droit ou tous les trafics sont dès lors possibles. Les passeurs et les réseaux mafieux y font la loi et seules quelques ONG y apportent au quotidien, un semblant d’humanité. Ces nouveaux espaces illégaux, souvent éphémères, voués à être détruits, marquent les paysages, laissent des stigmates après leur démantèlement, tant matériellement que dans les esprits. 

Au fil des ans, le phénomène s’est étendu le long des littoraux transmanche, comme ce fut et c’est encore le cas dans le port transmanche normand de Ouistreham où depuis plusieurs années, des migrants, souvent très jeunes, tentent de monter à bord des remorques des camions empruntant les ferries transmanche.

Pour répondre au problème migratoire, les autorités locales et portuaires ont sécurisé, isolé, fermé les accès aux installations portuaires, se barricadant toujours plus et étendant leurs dispositifs aux voies d’accès routières et autoroutières, parfois sur plusieurs kilomètres. Les autorités jouent leur rôle de contrôle, parfois d’intimidation, les populations locales subissent et tentent de vivre avec ces arrivants, nombreux sont ceux qui leur viennent en aide, d’une manière ou d’une autre, il est parfois bon de le souligner.

À cela se sont ajoutés des contrôles policiers et douaniers renforcés, mais souvent dépassés, faute de moyens suffisants. Face à eux, des migrants, souvent jeunes – 70 % ont entre 20 et 40 ans – originaires de pays en guerre ou instables politiquement et économiquement pauvres. Irakiens, Iraniens, Soudanais, Syriens, Afghans, Koweïtiens ou Érythréens composent l’essentiel des effectifs. Tous sont demandeurs d’asile et ont tout donné pour arriver jusqu’à cette petite mer franco-britannique. Les ressorts de la migration sont souvent les mêmes : désir d’un meilleur avenir, espoir d’une vie meilleure, recherche de sécurité et sauvegarde de leur vie sont les principaux moteurs des candidats à la migration. Rappelons le ici, la migration est rarement choisie, ne nous y trompons pas, elle reste un acte fort et contraint, douloureux et subit. C’est un déracinement, un abandon de sa famille, de sa terre, de sa culture. En cela, le phénomène migratoire est complexe car il oppose une détresse humaine à des obligations légales, sécuritaires et des volontés politiques. Dans ces conditions, il y a rarement un gagnant, mais une situation complexe dans laquelle chaque partie, migrant et espace d’accueil cherche à établir un équilibre, un moindre mal.

En comparaison de la situation méditerranéenne, jusqu’à il y a peu de temps, l’espace Manche semblait sous contrôle. Mais, depuis quelques semaines, ce n’est plus le cas, la situation devient critique et les tensions se font jour dans un contexte politique tendu, celui du Brexit. 

Les traversées irrégulières entre la France et le Royaume-Uni sont en nette augmentation, notamment depuis la pandémie. En 2018, selon la Préfecture maritime, 600 migrants ont tenté la traversée de la Manche. En 2019, ils sont 2 300 à avoir essayé de traverser grâce aux "small boats" et ce chiffre atteint 9 500 en 2020 et près de 15 000 en 2021. Parallèlement, le nombre d’embarcations ayant entrepris la traversée suit une courbe ascendante passant de 71 en 2018 à 1 001 en 2021. Chaque jour, si la météo le permet, plusieurs embarcations chargées de candidats à la migration tentent la traversée. Selon les autorités britanniques, en 2018, 299 migrants ont réussi la traversée transmanche. En 2019, ce chiffre s’élève à 1 835 et en 2021 (jusqu’en septembre), on atteint plus de 7 000 traversées réussies. La Manche devient une route majeure de trafic migratoire en Europe. Le phénomène n’est pas nouveau. La nouveauté réside plutôt dans le moyen de transport utilisé pour traverser, les « small boat ». Leurs usages sont devenus fréquents pour cause de crise sanitaire et d’arrêts des liaisons ferries, mais aussi par le renforcement des contrôles consécutifs au Brexit dans les ports. Autre nouveauté observée depuis quelques semaines, de plus en plus de familles tentent la traversée. Avant la pandémie, les tentatives représentaient environ 12 % des interceptions, aujourd’hui elles atteignent 60 %. Les dernières données disponibles font état d’une très forte croissance du phénomène qui inquiète les services de gendarmerie et de contrôle aux frontières. De 73 traversées de "small boats" recensés en 2018, on est passé à près de 1 000 en 2020 et ce chiffre sera assurément dépassé en 2021. Les passeurs encouragent ce type de moyen de transport, facile à dissimuler aux abords des massifs dunaires des plages dégagées du nord, permettant une mise à l’eau et un embarquement rapide.

Dans le contexte d’après Brexit et alors que la question migratoire fut un des arguments majeurs des brexiteurs, cette « hémorragie » migratoire est évidemment vu d’un très mauvais œil par le gouvernement de Boris Johnson. Ce dernier dénonce l’inefficacité des autorités françaises et européennes en charge du contrôle des frontières. Ces questions de frontière et de gestion des flux sont omniprésentes dans la gouvernance des États européens et des politiques migratoires. La Mer de la Manche n’y échappe pas et les législations semblent aujourd’hui inappropriées face à l’ampleur des phénomènes.

2. Les politiques migratoires en Manche aujourd’hui 

Contrôler une frontière maritime pose inévitablement le problème d’établir à terre des points de contrôle. Évidemment, puisqu’il est illusoire de vouloir contrôler la totalité des côtes de littoral de la Manche, des points de passage potentiels sont définis et deviennent l’objet de toute l’attention des autorités de contrôle et de régulation. Instaurer des contrôles douaniers et policiers suppose donc d’identifier ces points de passage « contrôlables ». Les ports, les gares deviennent dès lors des "check points" privilégiés.

En 1986, le Traité de Cantorbury avait permis de mettre en place des mesures au départ des futures gares du Tunnel sous la Manche, gare du Nord côté français et gare de Saint-Pancras à Londres. Cinq ans plus tard, le 25 novembre 1991, le protocole Sangatte instaura la possibilité pour le pays récepteur de migrants en situation irrégulière de renvoyer ces derniers vers le pays de départ, en l’occurrence dans le cas présent, la France. Car c’est bien là que réside le problème : les points de contrôle étant côté français au départ des ports et des gares transmanche, les migrants tentant de passer exclusivement de France en Angleterre, inévitablement, le problème incombe aux autorités françaises.

Complété en 2003 par les accords du Touquet visant à renforcer la collaboration entre les autorités de part et d’autre du couloir maritime de la Manche, des bureaux de contrôle de l’immigration sont implantés sur chaque rive dans les ports d’embarquement et de débarquement. Les demandes d’asile doivent être partagées entre les deux pays en précisant la responsabilité du pays de départ, donc la France. De plus, des compensations financières annuelles doivent être versées par le gouvernement britannique pour aider au contrôle et à la rétention de migrants. Dans les faits, cela se traduit de la façon suivante : un migrant ayant traversé illégalement la Manche au départ d’un port ou d’une plage française est intercepté par les autorités britanniques à son arrivée sur l’île. Refusé à son entrée sur le territoire, il est automatiquement reconduit vers son pays de départ, c’est-à-dire, la France et tombe sous le joug du système « Dublin ».

Ce système qui a pour vocation d’établir des règles en matière de demande d’asile fut mis en place le 1er septembre 1990. Il sera par la suite complété de deux autres protocoles, Dublin II et III en 2003 et 2013. Ils établiront la règle suivante : la demande d’asile doit être déposée dans le 1er pays d’arrivée. Les migrants déposent rarement une demande dès leur entrée dans l’espace Schengen, espérant atteindre leur destination finale et y déposer leur demande d’asile, sans être interceptés d’ici là par les autorités de contrôle.

On comprend aisément les limites de telles législations qui ont fait dire à la Commission Consultative des Droits de l’Homme que ce système et les accords spécifiques signés entre la France et le Royaume-Uni étaient clairement en défaveur de l’hexagone, contraint de gérer la politique migratoire britannique par la force des lois et accords.

De fait, le Royaume-Uni accueille trop peu de migrants et surtout de demandeurs d’asile, ces derniers étant refoulés le plus souvent dès leur arrivée sur le sol anglais. En 2019, seulement 45 000 demandes y ont été déposées, soit trois fois moins que les demandes d’asile côté français. Le Royaume-Uni est censé participer financièrement à l’accueil des migrants transmanche et censé verser des aides pour financer les personnels de sécurité et les infrastructures, mais les montants versés ne permettent pas de compenser les préjudices économiques et sociaux des territoires accueillant les migrants en transit. Depuis 2014, le Royaume-Uni a versé près de 200 millions d’euros de participation à l’effort de contrôle migratoire dans l’espace Manche. Ces montants sont bien insuffisants au regard des besoins, particulièrement en matière de contrôle et de sécurité, mais également pour compenser les effets des populations migrantes sur les territoires littoraux de Calais ou Dunkerque. L’image de ces territoires, leur attractivité touristique, le ressenti des populations locales sont difficilement chiffrables et monnayables. Selon les autorités françaises, les besoins annuels s’élèvent à quelques 67 millions d’euros, dont 18 millions au seul titre de la lutte contre les "small boats", le Royaume-Uni dit ne pouvoir en payer que 22 millions annuellement, soit une part bien en deçà d’une contribution équitable entre les deux rives de la Manche. C'est dans ce contexte juridique complexe et reposant en grande partie sur le gouvernement français et les autorités de contrôle que le Brexit vient perturber un état de faits particulièrement tendu.  

3- Brexit : quels effets sur les flux de migrations irrégulières transmanche ? 

Le Brexit se traduit depuis plusieurs mois dans l’espace Manche, d’une part, par un renforcement des contrôles sanitaires et de sécurité donc un accès compliqué aux ferries ou au Tunnel pour les migrants qui souhaitent gagner l’Angleterre, et d’autre part, par le développement d’une nouvelle forme de traversée, particulièrement dangereuse, les "small boats"». 

Rappelons que la Mer de la Manche est une des mers les plus dangereuses d’Europe. Les vents y sont quasi permanents, souvent violents, les marnages sont parmi les plus importants au monde, les courants sont violents et le brouillard très fréquent.

Outre les dangers inhérents à la géographie de cette petite mer franco-britannique, le trafic maritime y est particulièrement intense. Sur l'axe est-ouest, un navire entre ou sort de cette petite mer toutes les 10 minutes chaque jour. Dans le sens sud-nord, les liaisons ferries régulières sont plus de 120 au quotidien en période estivale et près de 90 en période hivernale. Elles se concentrent principalement sur le détroit, dans la zone même ou les traversées de "small boats" sont parmi les plus fréquentes et les plus nombreuses. Toutes ces conditions font de cette petite mer, un espace migratoire à haut risque. Au danger pour les vies humaines, s’ajoute celui de voir le phénomène s’amplifier tant sa progression en quelques semaines est considérable. Cette forte augmentation des migrations fait craindre de nouveaux drames humains, comme en Méditerranée. Face à ces risques, on le sait, les politiques migratoires ne sont absolument pas adaptées aux volumes migratoires incontrôlés, les moyens mis en place sont largement insuffisants et le risque d’une nouvelle jungle ou d’un nouveau Sangatte effraye les pouvoirs publics et les autorités locales. Pourtant si des négociations ont été tentées entre les États de l’Union Européenne pour repenser le protocole Dublin III et envisager la mise en place d’un nouveau Dublin «IV », les négociations ont échoué tant les différences sont grandes entre les États de l’Union Européenne.

Dès 2019, le mécanisme dit « de La Valette » poussé par l’Italie, l’Allemagne et la France a tenté de redéfinir des règles plus équitables entre pays membres :

Les principales mesures étaient les suivantes :

  • Obligation de relocalisation des personnes secourues en mer
  • Le seuil de pression migratoire est maintenant déterminé par l’Union Européenne
  • Le calcul de la répartition des migrants se fera en fonction de la population totale du pays
  • Une liste de pays surs sera définie par l’Union Européenne. 

La récente épidémie de Covid-19 a mis à l’arrêt durant plusieurs mois les ferries que convoitaient les candidats à la migration, potentiels moyens de traverser cette petite mer. Dès lors, tout un réseau de transport illicite, jusqu’alors presque inexistant, s’est développé. Aux passeurs se sont ajoutés les revendeurs d’embarcations de fortune, les trafiquants de toutes sortes qui, pour quelques centaines de Livres Sterling, incitent les migrants à tenter la traversée. Depuis le début de 2021, le nombre de migrants s’est incroyablement élevé, passant de quelques 600 en 2018 à plus de 15 000 à l’automne 2021. Avec l’hiver qui approche et les mauvaises conditions météorologiques qui ne manqueront pas, les traversées d’ores et déjà risquées, pourraient être plus meurtrières, et le dernier accident dramatique du 24 novembre où 31 migrants ont trouvé la mort, illustre bien tristement la dangerosité de ces traversées. Chaque jour, les services de la sécurité maritime et les Centres de Recherches Opérationnels de Sécurité que sont les CROSS, interceptent de nouvelles embarcations sur le point de traverser ou déjà en perdition en mer. Les autorités britanniques repoussent ces migrants hors de leurs eaux puis alertent les autorités maritimes françaises, lesquelles se voient dans l'obligation d'intervenir pour sauver ces malheureux migrants.  

 

Entre le 02 juillet et le 09 novembre 2021, le CROSS Gris Nez s’est porté au secours de quelques 11 800 migrants qui tentaient de traverser la mer de la Manche sur des « small boats ». Les chiffres avancés par le CROSS dans son bilan opérationnel 2020 illustrent l’exceptionnelle croissance de ce phénomène migratoire depuis plusieurs années. En 2016, seuls 164 migrants avaient été interceptés lors de leurs traversées. Cinq ans plus tard, on mesure combien ce chiffre est dépassé. Les interventions et la mobilisation des moyens de sauvetage sont quasiment quotidiens. Les appels de détresse viennent à la fois des migrants embarqués eux-mêmes, par le biais de leurs téléphones portables lorsqu’ils en possèdent, ou bien de marins pêcheurs ou de plaisanciers, voire même de simples promeneurs de bord de mer.

A chaque nouveau sauvetage, les moyens mobilisés sont importants car sur une même journée, les services de sauvetage doivent souvent intervenir sur plusieurs fronts. Ainsi le 10 octobre 2021, 8 interventions différentes ont permis de récupérer quelques 348 migrants en perdition sur différentes embarcations rigides ou semi-rigides. La grande nouveauté de ces migrations réside dans la population qui embarque sur ces navires de fortune. Aux jeunes et moins jeunes hommes, s’ajoutent aujourd’hui des femmes, parfois enceintes, et des enfants, voire des nourrissons. Ainsi le 25 juillet de cette même année, le CROSS Gris Nez et les services de sauvetage ont secouru quelques 80 migrants lors de deux opérations distinctes. Parmi ces 80 migrants, les sauveteurs ont dénombré 18 femmes, dont une était enceinte, et 20 enfants.

Heureusement pour lors les nombres de décès et de disparus restent très faibles, mais ils existent pourtant. Le 04 novembre 2021, 22 opérations de sauvetage ont eu lieu en Manche permettant de récupérer 779 migrants selon les données transmises par les CROSS. Malheureusement, un décès et un disparu ont été déplorés. Pourtant, le revers de cet état de fait est que la traversée semble, aux yeux des futurs migrants, relativement sûre et peu dangereuse, ceci malgré les mises en garde quotidienne des services de l’État en Région. Les passeurs misent sur cet aspect de la traversée en arguant de l’efficacité des services de sauvetage en cas de difficulté et incitent ainsi les migrants a tenter la traversée à leurs risques et périls. La hausse du nombre de tentatives de traversées illustrent cette tendance et pose de véritables questions de sécurité, la période hivernale approchant, la dangerosité de la mer de la Manche risque de mettre à rude épreuve tant les migrants que leurs sauveteurs. 

Graphique n°1 : chronologie des migrations et des interventions de sauvetage du 02 juillet au 09 novembre 2021 en mer de Manche.

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Sources : Communiqués des services du CROSS, Préfecture maritime Manche-Mer du Nord, 2021.

 

Enfin le Brexit et les conditions de sécurité, de contrôles douaniers et policiers renforcés qui entouraient son entrée en vigueur, n’ont fait que reporter le problème migratoire de quelques kilomètres le long des côtes calaisiennes ou picardes. Le problème s’est déplacé et s’est adapté à cette situation de contrôles renforcés en privilégiant la voie maritime toujours mais de fait sur des distances plus importantes. En se décalant ainsi le long des littoraux transmanche, les traversées deviennent plus longues mais surtout beaucoup plus dangereuses.  

Les prochaines semaines risquent de voir les traversées se poursuivre sans qu’il ne soit possible d’y mettre un terme. Seule la météo peut permettre de réduire ces tentatives désespérées de rejoindre la rive anglaise de la Manche, et même si les conditions se détériorent, les tentatives risquent de se poursuivre avec à la clef de nombreux décès, comme ce fut le cas fin novembre. Les législations semblent peu adaptées à répondre à ces mouvements migratoires de grandes ampleurs et les récentes tensions à la frontière polonaise illustrent une fois de plus la difficulté des états européens à gérer les tensions migratoires, lesquelles risquent de s’amplifier face aux grands changements environnementaux en cours et aux migrants climatiques à venir. 

1Pierre-Henri Dumont, Avis présenté au nom de la Commission des Affaires Etrangères sur le projet de loi de finances pour 2021 (n°3360), Tome VII Immigration, Asile et intégration, Assemblée Nationale, 9 octobre 2020, n°3403.


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