En Basse-Normandie, le vieillissement de la population est en marche. Ce vieillissement s'est accéléré depuis dix ans et résulte de la jeunesse de sa population dans les années 1960-1970. Cette population jeune, de forts taux de natalité et une fécondité élevée positionnait la région au coeur du croissant fertile français. Depuis le dernier recensement, la région n'appartient plus à ce croissant fertile, ce dernier ayant disparu entre les deux recensements de 1990 et 1999. Comme dans la totalité des régions françaises, les naissances ont accusé une baisse, la part des jeunes s'est amenuisée au sein de la population régionale. Parallèlement, et par voie de conséquence, la proportion de personnes âgées a augmenté passant de 20,4 % en 1990 (284 680 personnes) à 22,8 % de la population totale régionale (324 777 personnes). Cette proportion de plus âgés varient selon les départements : 20,4 % dans le Calvados, 24,9 % dans la Manche et 25 % dans l'Orne. Ces résultats illustrent l'influence de l'agglomération caennaise qui aspire une bonne partie des jeunes de la région, tempérant ainsi les résultats du département. Ainsi en 1999, l'aire urbaine caennaise comptait 17,6 % de personnes âgées et 25,9 % de jeunes.

Le même phénomène se retrouve au niveau de l'agglomération cherbourgeoise, second pôle urbain régional, mais à la différence, si les personnes âgées y sont moins nombreuses, la masse moindre de Cherbourg et de ses environs ne peut hausser le niveau d'ensemble du département.

À l'opposé de ces agglomérations, certaines communes ou cantons bas-normands affichent des pourcentages importants de personnes âgées. C'est le cas du canton et de la commune de Granville qui enregistrent respectivement 31,1 % et 32,6 % de personnes âgées. Le vieillissement des espaces littoraux apparaît relativement marqué dans la région. Ces forts pourcentages de personnes âgées se retrouvent dans la quasi-totalité des communes balnéaires, ainsi la commune de Trouville-sur-Mer comptait en 1999, 31,9 % de personnes âgées. Parmi les autres espaces affichant des signes importants de vieillissement, on retrouve les zones rurales, particulièrement dans le bocage, aux limites de la Manche, de l'Orne et du Calvados et dans l'Orne plus généralement, où le vieillissement et la part des personnes âgées au sein de la population peut atteindre des pourcentages comparables à ceux enregistrés le long des littoraux.

L'indice de vieillissement (IDV) est un indicateur particulièrement bien adapté à la lecture de ce vieillissement de la population. Il permet de rendre compte du niveau de vieillissement des espaces. Il indique le rapport entre la part des plus âgés et celle des plus jeunes. Plus l'indice est proche de 100, plus le vieillissement est important. Si l'indice dépasse ce seuil, il indique un niveau de vieillissement important, la part des personnes âgées de plus de 60 ans dépassant celle des jeunes de moins de 20 ans.

La région Basse-Normandie affiche un IDV de 90,5 témoignant d'un vieillissement d'ores et déjà important mais les disparités sont fortes entre départements. Si le Calvados se maintient autour de 79,7, les indices de vieillissement de la Manche et de l'Orne illustrent des situations de vieillissement de la population d'une toute autre ampleur. Dans la Manche, l'IDV atteint 99,6 et dans l'Orne, il dépasse le seuil de 100, atteignant 101,6. Avec l'arrivée prochaine à la retraite des enfants du baby-boom, ces indices ne pourront que progresser.

Si les disparités existent entre départements, elles sont accrues à l'échelle des cantons et des communes, ainsi la commune de Gacé (Orne) détient le record régional de l'IDV de 169,4. Dans le canton et la commune de Granville, l'IDV dépasse les 140, atteignant même 165,4 pour la commune. Dans la commune de Trouville-sur-Mer, ce même indice atteint 152,2.

Trois espaces de vieillissement

L'observation de la cartographie de cet indice à l'échelle des communes bas-normandes illustrent plusieurs phénomènes :

• Le vieillissement est nettement moins accentué non seulement dans les aires urbaines mais aussi autour des principales aires urbaines en de larges auréoles
• Au contraire, les zones rurales du sud-est de l'Orne ou du sud Manche présentent de très forts IDV
• Le vieillissement concerne également massivement les littoraux : les IDV élevés dessinent le contour du littoral normand, exception faite du Nord Cotentin, autour de La Hague.

Ce vieillissement observé à toutes les échelles de la Basse-Normandie cache en réalité deux phénomènes bien distincts mais qui parfois se cumulent. On observe d'une part un vieillissement structurel de la population, découlant d'un exode des jeunes générations, d'une baisse de la natalité et d'une moindre représentation de ces classe d'âges entraînant corrélativement une hausse de la part des plus âgés. Les zones rurales du sud Manche et Orne connaissent un vieillissement de leur population essentiellement dû à ce phénomène.

On observe également un phénomène relativement récent qui contribue à accentuer le vieillissement de certains espaces, dont principalement les littoraux : les migrations de retraités.

Les migrants retraités sont ces personnes qui choisissent au moment de leur cessation d'activité de changer de lieu de vie.

Des migrations de retraite nombreuses

En Basse-Normandie, entre 1990 et 1999, 22 249 migrants sont venus s'installer dans la région; dans le même temps, le nombre des personnes âgées a augmenté de quelques 40 097 individus. Les migrations de retraite ont donc participer à près de 55 % à la croissance des personnes âgées dans la région. Ces pourcentages de participation à la croissance se retrouvent dans les départements bas-normands. ainsi, ce sont près de 9 132 migrants retraités qui ont choisi de venir s'installer dans le Calvados, ils ont ainsi participer à près de 50,6 % à la croissance des personnes âgées du département. Dans l'Orne, l'influence des migrations sur le vieillissement est nettement plus important, même si le nombre de migrants est moindre.

Plusieurs zones se dégagent à l'échelle des communes :

• Les grandes agglomérations attirent de nombreux retraités migrants, les structures d'accueil plus nombreuses, l'accessibilité aux soins et services sont des facteurs déterminants de ces installations massives.
• Le littoral est un espace particulièrement attractif pour les retraités migrants. meilleur cadre de vie, amélioration du standing, climat et paysage, balnéotropisme et offres de loisirs et d'équipements important, cumulés à la possibilité d'offrir un lieu de vacances aux enfants, sont autant de facteurs qui contribuent à faire du littoral un espace attractif en terme de migrations de retraite. Il faut ajouter à cela le fait que de nombreux retraités migrants possédaient une résidence secondaire en bordure du littoral avant leur départ en retraite, résidence devenant principale, et le fait qu'ils souhaitent également pour nombre d'entre eux revenir dans leur région d'origine, région quittée au moment de l'exode rural, 40 ans plus tôt; ainsi dans la région, deux zones s'individualisent nettement : l'une le long de la Côte de Nacre, l'autre le long du littoral ouest de la presqu'île du Cotentin.

Ces migrations de retraite sont un facteur contribuant à accentuer le vieillissement des structures démographiques des territoires, particulièrement à l'échelle des communes. Plus généralement, les migrations de retraite en accentuant le vieillissement de la population amplifient les conséquences de ce vieillissement à l'échelle des territoires.