19901990
 
Les sites protégés par des accords internationaux
(1996)
Auteurs : Jean-François Beaudrier, Samuel Lefevre

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La prise en compte croissante de la nécessité de préserver les éléments du patrimoine naturel ne s'est pas manifestée uniquement à l'échelle nationale. Depuis 1970, les conventions et accords internationaux se sont multipliés dans le but de diversifier les actions de protection du patrimoine naturel mondial. Membres de l'Union européenne, la Grande-Bretagne et la France ont également ratifié des conventions propres à l'Europe. Ces accords visent à harmoniser les politiques environnementales des pays membres pour une concordance optimale.

Les pays signataires de ces différents textes s'engagent à respecter les mêmes critères de conservation, qui peuvent avoir pour sujet des espèces animales ou végétales ou des sites et habitats « sanctuaires ».

La protection des sites d'exception

La disparition de nombreux sites prestigieux a conduit à la mise en place d'accords pour assurer la protection de ceux demeurant encore intacts. Ces accords concernent, pour la plupart, des espaces naturels aux écosystèmes spécifiques, mais peuvent aussi assurer la sauvegarde du patrimoine humain, comme c'est le cas des sites du Patrimoine mondial.

La convention concernant la protection du patrimoine culturel et naturel mondial de l'UNESCO

En 1972, sous l'égide de l'UNESCO, organisme à vocation culturelle, scientifique et éducative des Nations Unies, la convention, ratifiée par la France et la Grande-Bretagne en avril 1988, concernant la protection du patrimoine culturel et naturel mondial protège les sites du patrimoine naturel et culturel les plus prestigieux de l'humanité, inscrits sur la liste du Patrimoine mondial.

 

« Sont concernés les sites naturels qui, par leurs caractéristiques physiques ou biologiques, et notamment ceux qui constituent l'habitat d'espèces animales ou végétales menacées, ont une valeur universelle exceptionnelle en matière de science, de conservation ou de beauté du paysage ».

Le Mont-Saint-Michel est le seul site protégé par la convention dans la zone transmanche.

Le programme Man and Biosphere de l'UNESCO

Le programme Man and Biosphere, lancé en 1970 par l'UNESCO, consiste en l'établissement des bases de l'utilisation rationnelle et de la conservation des ressources de la biosphère et la « conservation des zones naturelles et du matériel génétique qu'elles contiennent ».

Les projets du programme furent axés principalement sur la recherche concernant le fonctionnement et la gestion des écosystèmes et la création du réseau mondial des Réserves de la Biosphère.

Ces réserves constituent des exemples représentatifs de grands biomes naturels, ayant des caractéristiques naturelles inhabituelles d'intérêt exceptionnel (présence de populations d'espèces rares, exemples d'écosystèmes modifiés ou dégradés capables d'être restaurés). Elles répondent à trois objectifs :

  • une fonction de conservation des ressources génétiques, des écosystèmes et de la diversité biologique,
  • une fonction logistique, pour constituer un réseau international de zones contribuant aux activités de recherche sur le terrain, de surveillance continue entreprise dans le cadre du MAB et d'échange d'informations sur la conservation et la gestion des écosystèmes naturels et la formation,
  • une fonction de développement, afin d'associer environnement et développement par l'éducation et la formation.

En Europe, plus de 90 sites furent ainsi désignés dans 22 pays dont 7 en France et 13 en Grande-Bretagne. Seuls, deux sont localisés dans la zone transmanche : l'archipel d'Ouessant-Molène, en Mer d'Iroise, et le site de Braunton Burrows. En France comme en Grande-Bretagne, la protection de ces sites dépend surtout d'autres mesures.

Le réseau européen de réserves biogénétiques

Le programme de réseau européen de réserves biogénétiques, engagé par le Conseil de l'Europe en 1976, en étroite collaboration avec le programme MAB de l'UNESCO, vise à conserver des exemples représentatifs de la flore, de la faune et des zones naturelles d'Europe.

Il doit garantir le potentiel et la diversité génétique des biomes européens et la diversité des types d'habitat, ainsi que pour mettre à la disposition de la recherche écologique les écosystèmes du réseau biogénétique.

Les États membres sont invités à inventorier les différents types d'habitat, de biocénoses et d'écosystèmes, afin d'en identifier les plus rares et les plus menacés et de proposer en conséquence des sites à inclure dans un réseau de Réserves Biogénétiques. Elles bénéficient d'un statut juridique strict de protection, contrairement aux Réserves de la Biosphère qui peuvent intégrer des zones périphériques sans mesures de protection légale. Elles se caractérisent par des habitats, des biocénoses ou des écosystèmes typiques ou uniques.

La protection des espèces

Afin de préserver la biodiversité, une autre catégorie d'accords internationaux vit le jour, concernant spécifiquement les espèces menacées. Ces accords assurent leur protection sur les territoires où elles sont recensées, impliquant plus ou moins directement la protection des habitats nécessaires à la survie de ces espèces menacées.

La convention de Bonn, un accord multinational

La convention de Bonn, signée le 23 juin 1979, concerne la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage. Elle est entrée en vigueur le premier novembre 1983 chez tous les États qui l'avaient ratifié. La France adopta la convention dès 1990, avant même qu'elle ne soit signée par la Communauté européenne.

L'objectif fondamental de cette convention à caractère universel est de protéger l'ensemble des espèces migratrices sur tous leurs parcours de migration. Cette ambition nécessite une importante coopération internationale.

Les programmes régionaux étant en phase d'étude, l'application de la convention ne peut encore se vérifier sur le terrain. Toutefois la préservation à venir des habitats sensibles, même si elle correspond à des zones protégées par ailleurs, ne pourra que renforcer le dispositif actuel.

La convention de Berne, accord d'échelle européenne

La convention de Berne, signée le 19 septembre 1979, a pour objet la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel en Europe. Elle fut élaborée par le Conseil de l'Europe et ratifiée par 19 États européens. Elle est entrée en vigueur le premier juin 1982.

Cette convention, qui concerne tous les aspects du patrimoine naturel, constitue une étape importante dans le domaine de la législation internationale en faveur des espèces et habitats.

Elle a pour objet l'institution d'une protection minimale de la grande majorité des espèces sauvages végétales et animales et de leurs habitats en Europe. Elle a également comme objectif d'assurer une protection stricte pour les espèces et les habitats menacés, en particulier pour les espèces migratrices. Enfin, elle vise à renforcer la coopération des parties contractantes dans le domaine de la conservation de la nature.

La convention de Berne élargit les notions de protection développées jusqu'alors, car elle concerne toute espèce menacée et non plus uniquement des sites ou des espèces migratrices.

La protection des habitats

Ces mesures globales visent à maintenir un réseau de sites primordiaux pour la faune et la flore. Initié à l'égard des oiseaux par la protection des zones humides, ce type de procédure tend à devenir plus global, les interrelations entre les différentes composantes des écosystèmes étant mieux appréhendées.

La convention de Ramsar

La convention « relative aux zones humides d'importance internationale particulièrement comme habitat des oiseaux d'eau », dite « Convention de Ramsar » du nom de la ville d'Iran où elle fut signée le 2 février 1971, est entrée en vigueur le 21 décembre 1975. Elle a pour objectif général la conservation de ces zones, milieux riches mais fragiles.

Le choix d'une telle zone se fait selon des critères tels que la présence d'espèces animales ou végétales rares, en danger ou en grand nombre (oiseaux d'eau notamment) ou rôle qu'elle joue pour le maintien des populations humaines.

Chaque pays signataire inscrit au moins un site sur la « Liste des zones humides d'Importance internationale ». Pour enrayer la disparition des zones humides, la convention demande aux parties contractantes de conserver celles se trouvant sur leur territoire.

En 1992, 65 pays avaient identifié 546 zones, représentant environ 33 millions d'hectares. Aujourd'hui, le nombre de zones avoisine 800.

En 1995, la Grande-Bretagne comptait 45 zones dont 8 dans la zone transmanche : Bridgwater Bay, Chesil Beach and the Fleet, Upper Severn Estuary, Langstone Harbour, Chichester Harbour, Pagham Harbour, The Swale, Abberton Reservoir.

La France, partie contractante de la convention le 1er octobre 1986, compte 17 sites, dont 7 sur la partie Ouest de la zone : golfe du Morbihan, marais salants de Guérande et du Mès, marais du bassin du Brivet, lac de Grand-Lieu, baie du Mont-Saint-Michel, baie des Veys, marais de Basse Maine et de Saint-Aubin.

La directive oiseaux, mesure européenne

La directive européenne du 25 avril 1979, applicable depuis le 6 avril 1981, concernant la conservation des oiseaux sauvages, a pour objectifs la protection d'habitats permettant d'assurer la survie et la reproduction des oiseaux sauvages rares ou menacés, ainsi que la protection des aires de reproduction, de mue, d'hivernage et des zones de relais de migration pour l'ensemble des espèces migratrices sur le territoire européen.

La directive s'applique sur l'aire de distribution des oiseaux sauvages située sur le territoire européen des pays membres et concerne les espèces citées dans les annexes (listes des espèces menacées et chassables).

Chaque État désigne définit des Zones de protection spéciale (ZPS) afin de maintenir leurs populations d'oiseaux à un niveau qui réponde « notamment aux exigences écologiques, scientifiques et culturelles compte tenu des exigences économiques et récréatives ». Les États doivent en outre prendre « toutes les mesures nécessaires pour préserver, maintenir ou rétablir une diversité et une superficie suffisante d'habitats ».

Cette directive engage les États membres à définir une politique de préservation des oiseaux sauvages et de leurs habitats. Les moyens à mettre en œuvre restent à l'initiative des États, mais leur engagement leur impose une conformité à la ligne de conduite et aux besoins européens.

Les ZPS n'ont jusqu'à présent pas reçu de transcription directe dans le droit français, exception faite de la loi « littoral ». Cependant, beaucoup de sites sont déjà protégés au titre de la législation française.

Les ZPS constituent des zones protégées à part entière, malgré leur mise en place récente. Leur superposition fréquente avec d'autres mesures de protection est dans un premier temps nécessaire, ce dispositif ne constituant qu'une étape dans la mise en place d'un système européen de protection visant à homogénéiser et unifier les réglementations nationales.

En 1990, le Royaume-Uni avait notifié 41 sites, dont 7 sont inclus dans la zone transmanche, la France 65 dont 38 dans la zone.

La directive européenne Habitats

Inspirée par la Convention de Berne, la directive européenne Habitats concerne « la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage»  Adoptée le 21 mai 1992 et entrée en vigueur le 5 juin 1994, elle contribue à assurer la biodiversité par la conservation favorable des habitats naturels ainsi que la faune et la flore sauvage.

Pour conserver ces habitats, les États doivent constituer un réseau de Zones spéciales de conservation (ZPC), dénommé Natura 2000. Ce réseau intégrera également les ZPS de la Directive oiseaux, d'où l'appellation commune « Site Natura 2000 » qui sera donnée, en France, aux ZPC comme aux ZPS.

Les États membres doivent assurer la surveillance de l'état de conservation des espèces et habitats auxquels la directive s'intéresse. Au travers de la protection des habitats et des espèces les plus menacées de la Communauté, la Directive Habitats incite les États membres à définir une stratégie cohérente de conservation de la diversité biologique.

À l'heure actuelle, les États en sont à l'étape du recensement des zones à soumettre. Les Sites Natura 2000 ne sont pas encore mis en place, mais la plupart sont toutefois déjà protégés sous d'autres régimes.

Conclusion

Les mesures internationales de protection de la nature et de ses composantes ont amené de nombreux pays à considérer sous un jour nouveau leur environnement et l'environnement en général. L'Union européenne a souhaité développer et harmoniser les politiques en faveur de l'environnement. La création des Zones de protection spéciale est une mesure importante, prémisse d'une réglementation et d'une appellation de sites protégés selon des critères européens uniformes. La mise en place actuelle et progressive de ce réseau de sites doit permettre de développer des actions globales et cohérentes en faveur des sites naturels.


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