19901990
 
Les mesures ponctuelles de protection du milieu naturel
(1994)
Auteurs : Jean-François Beaudrier, Samuel Lefevre

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L'Angleterre et la France ont développé des appareils juridiques permettant la sauvegarde de milieux et d'espèces spécifiques ou représentatifs. Disséminés sur l'ensemble du territoire, des sites protégés, comme les réserves naturelles, sont les garants du maintien de la diversité biologique. Les différentes appellations instaurées dans ces deux pays se complètent pour assurer la conformité de la réglementation aux réalités du terrain.

Les réserves naturelles nationales

Les réserves naturelles en France et en Angleterre constituent des éléments forts de la protection des espaces naturels. Cette notion couvre toutefois des interprétations et un mode de gestion quelque peu différents en Angleterre et en France.

Les réserves naturelles britanniques

L'Angleterre a institué dès 1949 des réserves naturelles nationales. Elles constituent la principale disposition de la politique britannique de protection de la nature, basée sur un réseau de sites de superficie limitée.

Les National Nature Reserve sont gérées dans le but de fournir des opportunités pour l'étude et la recherche sur la faune et la flore, ainsi que sur des caractéristiques géologiques et physiographiques de la zone. L'objectif de leur création est la sauvegarde des écosystèmes les plus remarquables du pays, en mettant en place un échantillonnage d'échelle et d'intérêt nationaux d'habitats représentatifs. La loi interdit tout développement pouvant les affecter négativement. Dans le cadre de la mise en place d'une réserve pour la protection des oiseaux, par exemple, English Nature, agence gouvernementale pour la conservation de la vie sauvage, peut contrôler leur chasse dans un secteur périphérique à la réserve, approprié à leur préservation. La notion de réserve naturelle protège ainsi, en Angleterre, les espèces animales et végétales ainsi que leur habitat, ainsi que ce qui est recouvert en France par la notion de sites naturels classés.

Bénéficiant d'un statut réglementaire précoce, les réserves naturelles nationales britanniques atteignaient fin 1990, le nombre de 281, majoritairement situées à proximité du littoral et dans les zones d'altitude.

Dans la zone transmanche, 60 réserves étaient alors comptabilisées, 31 dans la région Southwest, principalement situées dans sa partie est, plus densément peuplée et donc plus fragile. 29 dans la région du Southeast, dont une majeure partie localisée à proximité du littoral. Le fait qu'elles soient beaucoup plus nombreuses que les réserves naturelles répertoriées du côté français n'indique pas que la nature soit mieux protégée en Angleterre, mais plutôt que les besoins y sont plus urgents et que leur mise en place est plus ancienne.

Les réserves naturelles françaises

Les réserves naturelles françaises furent introduites plus tardivement, par la loi sur la protection de la nature de 1976 et par décret du 25 novembre 1977 pour son application. Le classement d'un site en réserve naturelle permet de le soustraire aux actions de l'homme qui portent préjudice à des éléments rares et fragiles de l'environnement. En décembre 1995, 131 réserves étaient comptabilisées.

Des parties du territoire d'une ou de plusieurs communes peuvent être classées en réserve naturelle lorsque la conservation de la faune, de la flore, du sol, des eaux, des gisements de minéraux et de fossiles et, en général, du milieu naturel présente une importance particulière ou qu'il convient de les soustraire à toute intervention artificielle susceptible de les dégrader. Enfin, une réserve peut être instituée non seulement pour protéger des espèces animales, végétales ou des sites, mais aussi à des fins d'études scientifiques ou techniques.

L'adaptation de la réglementation aux besoins et contraintes d'un site ainsi que la variabilité de leur étendue placent les réserves au premier rang des mesures de protection en France. La Conférence permanente des réserves naturelles, qui édite des documents de vulgarisation, constitue un réseau national d'espaces protégés qui permet de coordonner les actions de gestion entreprises au sein des différentes réserves. Cet échange d'informations et de connaissances facilite le développement des techniques expérimentées sur un site.

Les réserves naturelles se situent là où se trouvent des espèces ou milieux fragiles et/ou rares. Il s'agit principalement de zones montagneuses et de secteurs à proximité de l'interface terre-mer. Représentant une importante proportion du linéaire côtier français, la zone transmanche comprend une grande partie de ses 24 réserves situées aux abords du littoral.

Disséminées sur le territoire, le réseau des réserves naturelles contribue largement au maintien de la biodiversité. La Conférence y a recensé au moins deux tiers des espèces de vertébrés terrestres (oiseaux, mammifères, reptiles et amphibiens) et un tiers des espèces végétales menacées. De vastes étendues du territoire restent cependant vierges de toute réserve, ne bénéficiant pas d'écosystèmes suffisamment originaux, d'autres types de protection ont par conséquent été instaurés pour pallier cette déficience.

Sites classés, arrêtés de biotopes et sites of special scientific interest

Ces appellations sont utilisées pour des sites de valeur et de taille comparables. De plus faible superficie que les réserves naturelles, ces sites n'en sont pas moins essentiels à la conservation de certains espaces naturels menacés.

Les sites classés

Le classement d'un site est la plus ancienne des mesures françaises. Elle date de 1906 et a été modifiée en 1930. Cette mesure concerne les monuments naturels et les sites dont la conservation présente, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un intérêt général. Le classement d'un site assure son maintien en l'état, toutefois ces sites sont protégés en tant que tels et non en tant qu'habitats d'espèces animales ou végétales.

L'objectif de cette désignation est la protection et la conservation d'un espace naturel ou bâti, quelle que soit son étendue. Les sites classés ne peuvent ni être détruits, ni être modifiés de leur état naturel.

Les arrêtés préfectoraux de protection de biotopes

Les « arrêtés de biotopes » furent institués par la loi du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature. Cette mesure vise à protéger des biotopes en qualité d'habitats d'espèces protégées par arrêté ministériel. Il peut être pris dès lors qu'un milieu abrite une ou plusieurs espèces protégées. Cette procédure, bien que relativement simple à mettre en place, resta longtemps très peu utilisée.

Afin de prévenir la disparition de certaines espèces, le préfet peut fixer, par arrêté, les mesures tendant à favoriser, sur tout ou partie du territoire d'un département à l'exclusion du domaine public maritime – où les mesures relèvent du ministre chargé des pêches maritimes –, la conservation des biotopes tels que mares, marécages, marais, haies, bosquets, landes, dunes, pelouses ou toutes autres formations naturelles, peu exploitées par l'homme, dans la mesure où ces biotopes ou formations sont nécessaires à l'alimentation, à la reproduction, au repos ou à la survie de ces espèces.

Les Sites of Special Scientific Interest (SSSI)

Les Sites of Special Scientific Interest (SSSI), institués en 1949, sont identifiés et notifiés par English Nature. Ils peuvent être biologiques ou géologiques.

Les premiers sont mis en place pour protéger des exemples d'habitats britanniques naturels et semi-naturels. À cette fin, les meilleurs exemples sont identifiés à l'intérieur de « secteurs de recherche » correspondant à peu près aux comtés. Tous les secteurs de vie sauvage importants n'étant pas retenus, des sites supplémentaires sont sélectionnés pour conserver des espèces rares au niveau national, des groupements importants d'espèces non communes et des secteurs importants car utilisés comme zones de reproduction, de repos ou de nourriture par un nombre important d'oiseaux ou d'autres animaux.

Le réseau « SSSI géologiques et morphologiques » est défini différemment. Son but est de pourvoir une série de tous les aspects de la géologie et des reliefs d'Angleterre, principalement en tant qu'objet d'études. Près de 70 % des SSSI sont notifiés uniquement pour leur intérêt biologique, 19 % pour leur intérêt géologique et 11 % pour ces deux raisons.

Les SSSI se situent à mi-chemin entre les sites classés et les arrêtés de protection des biotopes français. Leur mise en place a permis de sauvegarder de nombreux habitats spécifiques pour la faune et la flore, but recherché par les arrêtés de biotopes, et de préserver des sites de caractère exceptionnel, pour lesquels l'appellation de sites classés fut mise en place en France.

Fin mars 1990, 5 435 SSSI avaient été notifiés, représentant au total 1 713 840 hectares, soit 8 % de la superficie de l'Angleterre. Ils sont principalement situés sur les hautes terres du Nord et de l'Ouest du pays, ainsi que sur les estuaires, et sont moins nombreux dans l'intérieur des terres du sud et de l'est, où ils ne couvrent qu'entre 1 et 2 % des terres.

Autres mesures de protection

La politique de protection de sites de l'Angleterre et de la France est complétée par des pouvoirs donnés aux collectivités territoriales.

En Angleterre comme en France, L'État a délégué aux autorités locales l'application de sa politique générale de l'occupation des sols. La loi sur l'aménagement du territoire de 1947 institua une procédure de planification de l'occupation des sols précoce en Angleterre. L'équivalent français fut institué par la loi d'orientation foncière de 1967, il est établi dans le cadre du schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme. La planification de l'occupation des sols, outil foncier commun à la France et à l'Angleterre, constitue un des meilleurs moyens de préserver l'environnement au niveau local. Les districts et les communes ont donc le double rôle de créateurs et de gestionnaires d'espaces protégés.

Conclusion

La législation mise en place a permis de constituer de part et d'autre de la Manche un réseau développé de sites, particulièrement dense aux alentours des agglomérations. Cette densité limite l'extension urbaine, et permet de sauvegarder des biotopes caractéristiques de ces régions les plus artificialisées par le développement humain.

Ces moyens relativement aisés à mettre en place par rapport aux grands ensembles paysagers protégés constituent des moyens efficaces de préservation du milieu. Le réseau des sites s'intensifie d'année en année, permettant un recouvrement de plus en plus fin des écosystèmes typiques sur les territoires français et britannique.


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