Les données exploitées durant cette étude « tordent le cou » à une représentation communément admise selon laquelle les îles Anglo-Normandes constitueraient une riviera pour personnes âgées aisées. Si cet aspect existe, il est fortement contenu par les dispositions légales (cf. Anglo-Normandes : pression démographique) et on ne doit pas en faire une spécificité des îles Anglo-Normandes. Bien au contraire, la comparaison avec les chiffres du département de la Manche – et plus encore avec les cantons de Granville et Barneville-Carteret dont la similitude statistique illustre bien cette caractéristique du littoral de l'Ouest Cotentin – montre que Jersey et Guernesey constituent de remarquables foyers d'activité au contact d'une région qui se caractérise au contraire par une sur-représentation des personnes âgées de plus de soixante ans. Plus d'un résident anglo-normand sur deux travaille alors que ce rapport n'est que d'environ un sur trois sur le littoral continental.

Nous sommes là en présence d'un fossé structurel majeur, expression à la fois d'un différentiel institutionnel (autonomies financière, juridique, fiscale, décisionnelle, possibilité de réguler les flux du côté insulaire) et d'un différentiel d'intégration au système-monde. L'orientation des activités de Jersey et Guernesey (cf. Archives économie, acitivité, 1990) les mettent en situation d'acteurs macroéconomiques alors qu'un des problèmes les plus cruciaux qui se pose au département de la Manche, et plus généralement à la Basse-Normandie, réside dans le déficit décisionnel qui les voit pieds et poings liés devant des décisions qui se prennent ailleurs.

Le chômage dans les îles est un phénomène résiduel. Il a varié entre août 1996 et août 1997 de 326 à 264 personnes. À Guernesey, le nombre de personnes inemployées est passé de 250 à 152 entre avril 1996 et avril 1997. On peut donc estimer le taux de chômage à nettement moins de 1 %. De plus, les demandeurs d'emploi retrouvent rapidement du travail puisque, à Jersey le nombre de chômeurs de longue durée (plus de vingt-six semaines) recensés s'élève, si l'on peut dire, à 29 hommes et 4 femmes.

Il n'est pas inutile de rappeler le taux présenté par le département de la Manche : il était, en mars 1997 à 11,4 %. Les secteurs littoraux sont d'ailleurs particulièrement touchés : le bassin d'emploi de Cherbourg compte 13,8 % de demandeurs d'emploi, chiffre que la région granvillaise dépassait à la même époque.