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2000 La gestion des pollutions maritimes Quelles améliorations envisager en France ? (2007) Il convient de distinguer les mesures de prévention des mesures de protection. Les mesures de prévention regroupent tout ce qui est mis en œuvre en amont pour limiter la fréquence des accidents. Les mesures de protection comprennent, quant à elles, tout ce qui est prévu pour limiter la gravité de l'accident une fois celui-ci survenu. Il s'agit donc dans le premier cas d'agir sur les causes, dans le second sur les conséquences d'un accident. La prévention est donc essentielle, tout particulièrement en matière de sécurité maritime mais elle ne suffit pas. De nombreux acteurs tentent de réduire les risques d'accident maritime. Il appartient notamment à chaque État de mettre en œuvre des moyens spécifiques pour la surveillance, la régulation du trafic et les procédures d'assistance aux navires en difficulté. Cependant, le trafic maritime étant largement international, de nombreuses mesures ne peuvent se prendre qu'au niveau supranational (Organisation maritime internationale, Union européenne, etc.). Or, l'élaboration de réglementations à l'échelon européen et/ou de préconisations et recommandations édictées par l'OMI nécessitent une gestation parfois très longue. En effet de telles évolutions réglementaires ne peuvent se faire que par le biais d'une concertation entre les différents États. Ces dernières années, il y a eu de nombreuses améliorations dans ce domaine, en particulier au travers des enseignements tirés des pollutions de l'Erika et du Prestige (Paquets Erika 1, 2 et 3 notamment : création de l'Agence européenne de sécurité maritime, réglementation sur l'accueil des navires en difficulté, suivi du trafic, etc.). Il reste toutefois de nombreux aspects à approfondir en matière de prévention. Cependant, étudier les pistes d'amélioration en matière de prévention n'est pas l'objet de la présente étude. Rappelons que l'objectif de cette étude concerne spécifiquement les mesures de protection, considérant que, même avec une prévention optimale, le risque zéro n'existe pas et les États doivent, de fait, prévoir une réponse adaptée aux risques de pollutions maritimes accidentelles sur leurs côtes. Les pistes évoquées ici ne traitent donc que des mesures de protection. Préparation et gestion de criseLa préparation et la gestion de crise sont intimement liées. Avec le retour d'expérience, elles procèdent, ou devraient procéder, d'un processus global et cyclique de gestion des pollutions maritimes. La préparation ccomprend à la fois l'élaboration des plans de secours, la formation et l'entraînement des personnels mais aussi l'entretien du matériel. La gestion de crise est notamment conditionnée par la préparation des acteurs tandis que les retours d'expérience se fonderont sur les enseignements tirés de cette gestion de crise par les différents acteurs en présence, chacun à leur niveau. Un retour d'expérience global permet de mettre en perspective l'ensemble des retours d'expérience individuels, alors que chaque retour d'expérience individuel permet d'améliorer la préparation de l'acteur concerné à la gestion de crise suivante. Les durées respectives de ces trois phases sont extrêmement variables d'un événement à l'autre, de nombreux facteurs pouvant influencer leur déroulement. La préparation doit également permettre au dispositif de lutte d'être opérationnel et réactif dans le temps. Il ne s'agit donc pas de se préparer pour un temps t puis de la laisser en suspens. Il faut intégrer régulièrement les modifications liées aux facteurs pouvant influer sur la gestion de crise (cf. figure. 1).
Figure 1 : Facteurs à prendre en compte dans la préparation
L'ampleur de la pollution conditionnera la réponse à apporter. La gestion de crise comportera plusieurs phases : l'alerte, la veille, le déclenchement, le déroulement, la sortie de crise et le retour à la normale. Plusieurs amplificateurs peuvent peser sur la conduite de chacune de ces phases (cf. figure 2). Ces facteurs sont le plus souvent extérieurs à la crise, indépendants de celle-ci et, par conséquent, non maîtrisables. Cependant, une préparation efficace permet d'en minimiser les effets. Il convient donc de détailler ci-après les composantes d'une préparation efficace.
Figure 2 : Les ‘amplificateurs de crise'
Mise en lumière des manquesLa loi de modernisation de la sécurité civile, si elle recentre tous les plans de secours autour du plan ORSEC, ne modifie pas fondamentalement le mode de préparation des autorités françaises à une crise de sécurité civile. L'essentiel, aujourd'hui comme les années précédentes, est d'instaurer une véritable culture de gestion des risques et des crises auprès des autorités, c'est-à-dire de ne pas restreindre la préparation aux seules réalisations et mise à jour du plan de secours. Par ailleurs, la pollution issue du porte-conteneurs Napoli, qui a touché les côtes Nord de la Bretagne fin janvier et début février 2007, a mis en lumière l'absence d'organisation communale adaptée pour lutter contre les pollutions maritimes de faible et moyenne ampleurs et a ravivé le besoin pour les communes de se préparer à la lutte. Rappel des faits : le 18 janvier 2007, le Napoli lance un appel de détresse alors qu'il navigue au Nord des côtes bretonnes. Après concertation entre les autorités françaises et britanniques, le navire est remorqué par les autorités françaises vers la baie de Lyme (Devon). La majeure partie de la pollution potentielle est contenue. Cependant, au cours du remorquage, du fioul lourd s'échappe des renifleurs de deux cuves journalières de 100 tonnes chacune et deux conteneurs tombés à la mer s'ouvrent et libèrent ainsi en mer plusieurs centaines de milliers de paquets de gâteaux individuels. Du 25 jjanvier au 3 février, des paquets de gâteaux mazoutés arrivent sur les plages d'une vingtaine de communes entre Plougasnou (Finistère) et Pleubian (Côtes-d'Armor), occasionnant une pollution de faible ampleur voire de moyenne ampleur sur certaines communes. Cette pollution ne nécessitant pas le déclenchement du plan POLMAR Terre, la responsabilité de la lutte revient donc aux maires. Ceux-ci sont alors pris au dépourvu devant cette pollution atypique. Si cette pollution peut être qualifiée de mineure en terme de quantité déversée, elle a cependant permis aux élus locaux de prendre conscience de leur impréparation à faire face à ce type de crise et a incité les préfectures du Finistère et des Côtes-d'Armor à promouvoir la notion de plan Infra POLMAR auprès des communes. Comment améliorer la préparation ?La préparation à la gestion de crise ne se résume pas uniquement à l'élaboration du plan, même si cette dernière n'en demeure pas moins primordiale. De bonnes pratiques existent déjà, tant au sein des autorités terrestres que maritimes. Mais, il convient ici de partir de ces bonnes pratiques pour envisager des pistes d'amélioration complémentaires, en particulier à destination des collectivités locales. NB : On notera qu'à quelques spécificités près, les pistes d'amélioration évoquées ci-dessous sont valables pour l'ensemble des plans de secours et non pas seulement pour les plans POLMAR. C'est, en effet, la même logique sous-jacente. Améliorer l'opérationnalité des plans de secoursLes plans POLMAR Mer et Terre sont deux plans de secours distincts, ne relevant pas des mêmes autorités et possédant chacun un degré de complexité propre. En effet, le plan POLMAR Mer est rédigé, de façon quasi autonome, par les services de l'Action de l'État en mer (un des services de la préfecture maritime) tandis que dans le cadre du plan POLMAR Terre, les services des préfectures de département doivent coordonner les travaux d'une multitude d'autres acteurs (DDE, DIREN, DRIRE, collectivités locales, scientifiques, etc.). Le plan POLMAR Terre comprend notamment un grand nombre d'annexes techniques dont l'atlas de sensibilité du littoral départemental, le plan de protection des sites sensibles et le plan de gestion des matériaux pollués et polluants récupérés. Afin de compenser la complexité des documents requis, le plan POLMAR Terre est l'un des rares plans de secours, en France, à bénéficier d'un guide méthodologique de révision et ce depuis 1998 (il a fait l'objet d'une révision en juin 2003). Le principe est de reprendre la réglementation, de la préciser et de proposer un véritable canevas pour la réalisation des plans POLMAR Terre. Leur élaboration est ainsi largement facilitée, puisque, pour chaque action, sont détaillés les objectifs à atteindre, les acteurs impliqués et les méthodes pour y parvenir. Il s'agit donc d'un outil précieux qui devrait, en principe, permettre d'avoir des plans POLMAR Terre harmonisés d'un département à l'autre. Malgré tout, on constate encore de grandes disparités dans la qualité opérationnelle des plans de secours d'un département à l'autre. Certains plans de secours pèchent ainsi parfois par souci d'exhaustivité. Il ne s'agit pas en effet de rédiger un plan de secours qui prévoit l'ensemble des scénarii possibles mais de disposer d'une boîte à outils qui permettra de faire face à toute situation. Mise en place d'une planification d'urgence au sein des collectivités localesLa plupart des collectivités locales sont encore aujourd'hui dépourvues de plan de lutte contre les pollutions maritimes. La loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004 et son décret d'application n° 2005-1156 du 13 septembre 2005 prônent, entre autres, la réalisation de plans communaux de sauvegarde (PCS) pour préparer la réponse des communes aux risques naturels et technologiques. Ces plans ne sont obligatoires que pour les communes soumises à un ou plusieurs risques majeurs (inondation, glissement de terrain, risques industriels type Seveso, etc.), ce qui n'est pas le cas de la plupart des communes littorales. Cependant, depuis 2000, plusieurs communes réfléchissent à l'établissement d'un plan communal ou intercommunal spécifique à la gestion des pollutions maritimes. L'échelon intercommunal a été reconnu comme le plus pertinent pour gérer de telles pollutions. Il s'agit d'organiser la préparation et la lutte à l'échelon communal ou intercommunal selon des attributions du maire en fonction de l'ampleur de la pollution. Plusieurs communautés de communes ont achevé, ou sont en train de réaliser, un plan Infra POLMAR ou ‘volet Pollutions maritimes du Plan Communal de Sauvegarde'. Parmi ces initiatives, on pourra citer entre autres : les démarches de la CANCA (Communauté d'agglomération de Nice–Côte d'Azur, Alpes Maritimes) et de la COCOPAQ (COmmunauté de Ccmmunes du pays de Quimperlé, Finistère Sud). Ces deux intercommunalités ont réalisé un plan Infra POLMAR avec l'aide technique du Cedre. La CCPL (Communauté de communes du pays Léonard, Finistère Nord) réalise, quant à elle, avec Vigipol, un plan intercommunal. D'autres structures entendent également aider les communes à s'organiser. En Basse-Normandie, par exemple, le Conservatoire du littoral travaille à diffuser auprès des communes un état de référence de sensibilité du littoral. Cependant, avant la pollution du Napoli, ces initiatives Infra POLMAR étaient marginales. Cette pollution atypique de faible ou moyenne que les maires ont eu à gérer sans y être préparés a servi d'électrochoc pour l'ensemble des acteurs. Les maires ont pris conscience de la nécessité de se préparer au niveau communal ou intercommunal et les préfectures ont saisi la nécessité d'encourager la préparation des communes. La préfecture du Finistère a, en conséquence, demandé au Cedre de mettre en ligne sur son site Internet (www.cedre.fr) un guide pratique de l'élu. Ce guide méthodologique Infra POLMAR est composé de fiches réflexes permettant aux maires de savoir comment réagir en fonction des différents cas de figure et d'une trame pour la réalisation du volet maritime du Plan communal de sauvegarde. La préfecture des Côtes-d'Armor a, quant à elle, lancé une consultation avec Vigipol et le conseil général pour aider les communes à s'organiser et à améliorer l'interface entre les services de l'État et les collectivités territoriales dans pareille situation. Actualisation régulière des plans et adaptation constante aux risques spécifiques à chaque territoireMême très opérationnel, un plan de secours n'a de pertinence que s'il est régulièrement actualisé. Nombre de plans de secours sont mis de côté une fois achevé (en espérant ne jamais avoir à s'en servir), et oublié pendant de nombreuses années. Et lorsque survient la crise, le plan n'est plus opérationnel. Certains aspects du plan ne variant pas dans le temps, il n'est pas nécessaire d'actualiser l'intégralité du plan en permanence. Mais, il conviendrait néanmoins d'envisager une adaptation constante des plans de secours à l'évolution des risques encourus sur le territoire concerné. On peut, en effet, déplorer un manque d'analyse prospective des risques de pollution maritime au large des côtes françaises. Le trafic maritime évolue, les risques inhérents à ce trafic également. La préparation à la lutte devrait, elle aussi, évoluer en conséquence. De nombreux facteurs sont en mutation : la taille des navires (en particulier les porte-conteneurs qui deviennent de plus en plus gigantesques), les types de marchandises transportées (des produits chimiques dangereux de plus en plus nombreux), les quantités transportées, les conditions du transport des marchandises dangereuses, la densité du trafic, etc. Mise en place d'une veille opérationnelleEn France, la conservation de l'expérience acquise lors des gestions de crise antérieures pose de réelles difficultés. Le turn-over est important au sein des personnels des services de l'État (préfectures, préfectures maritimes, services déconcentrés et ministères). Les décideurs restent rarement au même poste plus de deux ou trois ans. Les maires sont, quant à eux, élus pour six ans. Par conséquent, si aucune pollution significative ne survient sur un territoire pendant dix ou quinze ans, l'expérience acquise est totalement perdue. Et encore, la plupart des territoires littoraux, à l'exception de la Bretagne, n'a pas connu de pollution majeure. L'expérience y fait donc totalement défaut. En outre, nous avons vu précédemment qu'un plan de secours nécessitait une actualisation régulière. Ceci est d'autant plus vrai, en France, du fait des profondes mutations réglementaires en cours (cf. loi de modernisation de la sécurité civile). L'intérêt est donc de mettre en place une veille opérationnelle au sein de chaque entité en charge de la préparation à la gestion des pollutions maritimes. Quelle forme pourrait prendre cette veille opérationnelle ? Il semble plus pertinent qu'elle soit réalisée par un technicien chargé de rediriger les informations pertinentes aux différents acteurs de l'entité autant que de besoin. Avoir une personne clairement identifiée dans chaque entité, et a fortiori dans chaque collectivité locale, présente l'intérêt de pouvoir centraliser les informations relatives aux pollutions maritimes et à leur gestion (connaissance et évolution de la réglementation, des techniques de lutte, des moyens disponibles, des propositions de formation, etc.). Pour les communes, cela permettrait d'être moins prises au dépourvu et donc plus réactives en cas de pollution. Il serait donc souhaitable que chaque commune désigne un référent ou Correspondant POLMAR communal (CPC) afin d'alimenter la réflexion communale et de servir d'interface entre la commune et les autres acteurs, notamment les services de l'État. Développement de formations systématiques pour les décideurs et les techniciensLe début des années 2000 a vu se développer les formations spécifiques à la gestion des pollutions maritimes. C'est au Cedre que revient principalement la responsabilité de ces formations. Cependant, jusqu'à une période très récente, ces formations ne s'adressaient qu'aux services de l'État. Ce n'est que depuis 2005 qu'il existe des formations pour les techniciens des collectivités locales, formations qui rencontrent d'ailleurs un franc succès. Mais, il ne convient pas seulement de former les techniciens et les gestionnaires de crise mais aussi les décideurs auxquels il reviendra de prendre les décisions en en cas de crise. En 2006, le Cedre a lancé avec le CNFPT (Centre national de la fonction publique territoriale) des formations communes pour les élus et les techniciens des collectivités locales. Cette initiative trouve un large écho au sein des collectivités territoriales dans la mesure où elle répond à un réel besoin des élus locaux, ceux-ci étant conscients de leur méconnaissance du rôle qui leur incombe en cas de crise. Création d'une culture réseauEnfin, il convient de rappeler le rôle essentiel de la création d'une culture réseau, élément indispensable de toute préparation efficace à la gestion de crise. Que chaque acteur connaisse ses missions, qu'il soit formé et dispose d'un plan de secours opérationnel et à jour est essentiel mais ne suffit pas. En effet, en gestion de crise, aucun acteur ne travaille seul. L'interface avec les autres acteurs est, par conséquent, primordiale. Connaître les autres acteurs impliqués, leur manière de procéder, leur vocabulaire, les missions qu'ils doivent remplir, les impératifs auxquels ils sont soumis, permet d'optimiser les échanges et d'éviter nombre de tensions lors de la gestion de crise. C'est pourquoi, il paraît tout à fait souhaitable, dans la phase de préparation, de prendre le temps de connaître les acteurs avec lesquels on sera amené à travailler en situation tendue et d'échanger avec eux ; en un mot, créer un réseau. Et, dans ce domaine, les autorités françaises ont encore des progrès à faire. En conséquence, il semble opportun de développer une culture globale de gestion de crise au sein des autorités françaises, et plus particulièrement au sein des collectivités locales. Nous sommes, cependant, conscients que les moyens humains, matériels et financiers, actuellement alloués à la préparation à la gestion de crise ne permettent de mettre en œuvre ces propositions ni au sein des services de l'État, ni au sein des collectivités locales. L'enjeu est donc de convaincre les décideurs de la nécessité de mettre en place cette culture globale ; nécessité qui va bien au-delà de la gestion des pollutions maritimes et couvre l'ensemble des crises pouvant affecter les personnes, la société, les infrastructures ou l'environnement. Haut |