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1990 Les ports de plaisance du littoral français des mers de la Manche et du Nord (1998) La navigation de plaisance accessible au plus grand nombre est une activité récente comparée à d'autres qu'elle côtoie dans les espaces maritime et portuaire. À l'origine mutation circonstancielle de l'outil de travail, puis pratique élitiste, elle s'insère désormais pleinement dans l'économie littorale. Ce qui suit a deux objectifs : il s'agit d'une part de rendre compte des actions a priori (localisation et taille des implantations portuaires) des maîtres d'œuvre et d'autre part de la sanction a posteriori des pratiquants qui, par leurs niveaux d'occupation et de fréquentation, valident ou non les intentions des premiers. Le champ géographique considéré regroupe le littoral français des mers de la Manche et du Nord. Cependant il est apparu indispensable d'intégrer les données relatives aux îles Anglo-Normandes tant il s'est avéré que leur présence « donnait du jeu » à l'activité plaisance du secteur.
Fig. 1 : Tableau récapitulatif des caractéristiques des ports de plaisance français et anglo-normands de plus de 300 places situés au bord des mers de la Manche et du Nord
Sources : Capitaineries des ports de plaisance, Jersey Harbour, Guernesey Harbour, Guide régional du Nautisme.
Les critères et les éléments retenus appellent quelques commentaires préalables :
L'importance des facteurs insulaire et frontalierLe golfe normand-bretonLes ports qui cumulent grande taille (1 000 places et plus) et saturation sont tous situés dans le golfe normand-breton (fig. 2). On peut d'abord y voir l'effet du double tropisme, insulaire et frontalier, dont bénéficie cette région. Celle-ci présente en effet une conjonction d'atouts pour la pratique de la navigation de plaisance que l'on pourrait résumer ainsi :
Cette caractéristique constitue une source de motivation de premier ordre pour les plaisanciers, qu'ils soient propriétaires ou locataires avec ou sans skipper (Fleury, 1996). Cette remarque est particulièrement valable pour les ports de Granville, Carteret et Saint-Malo. Le premier, saturé quelques mois après son ouverture en 1972, affiche, cas exceptionnel (fig. 1), une liste d'attente de 1 400 noms. À raison d'une rotation annuelle d'une quarantaine d'unités, il faut compter environ 30 ans à partir du moment de son inscription pour prétendre à un emplacement dans le port du Hérel. Cet engouement justifie le projet d'extension de 600 places qui fera à moyen terme de Granville le plus grand port de plaisance du littoral français des mers de la Manche et du Nord. Sans atteindre ces chiffres, Carteret et Saint-Malo, avec une liste d'attente importante et un nombre de visiteurs anglo-normands élevé, confirment l'hypothèse d'une fort courant d'échange transfrontalier déterminant pour l'économie du secteur plaisance. Les ports des Côtes-d'Armor riverains du golfe bénéficient également de ce voisinage valorisant.
Le skipper néo-zélandais Dennis Conner déclarait en 1995 à Guernesey à l'issue d'une étape du Tour de l'Europe qu'il connaissait peu d'endroits au monde où les conditions rendaient la navigation aussi exigeante et passionnante. Pour étayer cet avis autorisé, rappelons que ce bassin de croisière cumule la présence d'îles (Jersey, Guernesey, Aurigny, Sercq, Herm pour ne citer que les principales), d'archipels (Les Minquiers, les Écréhou, Chausey), et de « cailloux » corsetés par de puissants courants provoqués par l'ampleur exceptionnelle des marées. Le marnage atteint en effet 14,40 m à Granville et jusqu'à 17 m en baie du Mont-Saint-Michel, ce qui met ce secteur au premier plan sur la planète, au même titre que le canal de Bristol, la baie de Fundy au Canada et la région chilienne de Chiloë. Signalons que les restrictions d'accès (fig. 1) liées à ces conditions particulières n'obèrent pas la fréquentation des ports concernés. Le golfe normand-breton recèle en son centre même des espaces que l'on pourrait qualifier de zones de navigation extrême. Ainsi Les Minquiers, à une vingtaine de milles au sud de Jersey, forment un plateau rocheux où n'émergent à marée haute que la Maîtresse Île d'une surface de 3 hectares et quelques îlots dispersés sur 200 km2. En réalité, il est constitué de milliers d'écueils qui sont autant de pièges, découvrant ou non, affleurant en fonction des horaires et des coefficients de marée toujours fluctuants. Chausey, où se pressent en fin de semaine ou à l'occasion des fortes marées des centaines de plaisanciers, procède, en moins dangereux, de la même complexité de navigation. L'accès nord-est au golfe normand-breton par le très périlleux Raz Blanchard, entre La Hague et Aurigny, constitue en lui-même un exercice de navigation de haut niveau. Enfin, il faut préciser que le bassin de croisière est largement protégé des fortes houles d'ouest par la péninsule bretonne et les îles Anglo-Normandes.
Fig. 2 : Localisation, taille et taux d'occupation (1998)
Sources : Capitaineries des ports de plaisance, Jersey Harbour, Guernesey Harbour, Guide régional du Nautisme.
La lecture simultanée des deux cartes permet de relever la convergence des indicateurs favorables concernant le golfe normand-breton. Plus qu'ailleurs, les ports riverains attirent d'une part les postulants à un emplacement (attraction terrestre, fig. 2) et d'autre part les bateaux visiteurs (attraction maritime, fig. 3). Les flux de visiteurs, les échanges entre ports s'étiolent de la mer du Nord vers la baie de Seine pour retrouver de la vigueur en Manche ouest.
Fig. 3 : Nombre de bateaux visiteurs en 1998
Sources : Capitaineries des ports de plaisance, Jersey Harbour, Guernesey Harbour.
Les têtes de pont pour les relations transmancheLes données fournies doivent être manipulées avec précaution tant la diversité des modalités de décompte, précis ou approché, en valeur absolue ou en pourcentage, distinguant les Anglo-Normands des Britanniques ou non, pourrait entraîner d'interprétations hasardeuses. Cependant, on peut estimer que deux sites jouent un rôle de tête de pont pour les visiteurs britanniques traversant la Manche. Il s'agit de Cherbourg et Guernesey. Pour le port du Nord-Cotentin, les bateaux britanniques ont représenté en 1998, 76 % des 9 089 bateaux visiteurs, soit environ 6 900 unités. Guernesey, située comme Cherbourg à 110 km des côtes anglaises, n'est pas loin de cet important total avec 6 184 visiteurs. On peut raisonnablement émettre l'hypothèse que ces deux places constituent des plates-formes d'éclatement pour les plaisanciers britanniques que l'on retrouve en nombre encore significatif à Jersey et Saint-Vaast-la-Hougue (respectivement environ 2 300 et 1 700 bateaux). Dans le Nord de la France, le port de plaisance de Calais (940 bateaux anglais), plus que Boulogne (540) jouit dans le domaine de la plaisance, du privilège relationnel que la ville a historiquement entretenu avec l'Angleterre. Les ports du nord de la FranceLes ports de plaisance de la région Nord–Pas-de-Calais représentent, dans une tonalité mineure, un autre pôle dont le dynamisme peut être pour une part lié à une situation frontalière. Ils sont le plus souvent sous-dimensionnés (fig. 1) et font pratiquement tous l'objet de projets d'extension. En ce qui concerne les visiteurs, il convient de signaler que, hormis pour Calais, et ceci est vrai jusqu'à Deauville, les ressortissants du Benelux et d'Allemagne sont plus nombreux que les Anglais (fig. 4). Au-delà, leur présence devient marginale (fig. 5). Fig. 4 : Répartition par nationalité des visiteurs de quelques ports de plaisance du nord de la France en 1998
(Sources : capitaineries des ports de plaisance)
Fig. 5 : Répartition par nationalité des visiteurs des ports de plaisance de St-Vaast à Granville en 1998
(Sources : capitaineries des ports de plaisance)
Bretagne occidentale et baie de Seine : des secteurs à développement contrastéDe part et d'autre du golfe normand-breton, on trouve des zones littorales qui présentent des indicateurs moins positifs, où on ne retrouve que très rarement la totale adéquation offre/demande mise en évidence par le cumul saturation/nombre de visiteurs élevé. Le taux d'occupation des marinas y est variable : il n'atteint 100 % qu'à Ploumanach, petit port de 300 places. Le nombre de visiteurs est nettement moins important, à l'exception de la côte dite de Granit Rose vers Perros Guirec et Trebeurden, secteur relativement proche des îles Anglo-Normandes. Les sites de la côte calvadosienne ressentent quant à eux de façon très affaiblie les flux exogènes et ne bénéficient pas, contrairement au secteur Manche Ouest, de l'intérêt que produisent îlots, îles ou archipels sur des plaisanciers à la recherche de buts de croisière attractifs. La proximité de la région parisienne ne compense pas la banalité de l'espace marin qu'ils desservent. Les contrastes relevés illustrent la prééminence, pour le littoral, d'un espace maritime valorisé par ses « au-delà» proches, essentiellement à travers les composantes insulaire et frontalière. Le modèle du port de plaisance projection « sur l'eau » de l'aménagement parfois mal maîtrisé du littoral, équipement complémentaire de réalisations immobilières plus ou moins pertinentes, profite moins de l'engouement pour la plaisance que celui où des facteurs liés à des permanences, tradition, proximité immédiate d'un centre urbain attractif, accès aisé à l'altérité géographique (île) ou culturelle (frontière), entrent en ligne de compte. Cependant, on peut admettre qu'il s'agit tout de même, qui plus est dans un contexte économique de nouveau favorable à la filière, plus de moindre succès que d'échec patent dont il faut parler en l'absence d'une étude approfondie qui prendrait en compte d'autres éléments,notamment les impacts économiques. Haut |